56/ Céder au désir...

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La marquise soupe avec Sir Stevenson en tête à tête. Elle a excusé Jane qui se trouve indisposée. L'homme ne semble pas s'en formaliser. Ce qui paraît étrange à la vieille lady. Elle sait d'expérience qu'un homme frustré a besoin d'exutoire. Mais peut-être que Stevenson est différent ou que Jane a mal interprété ce qui s'est passé entre eux ? Peu importe. Lady Stratton pense qu'elle a bien fait de laisser Jane dans sa chambre. De toute façon, la petite était épuisée de cette journée mouvementée.

Lorsqu'elle rejoint à son tour sa chambre de l'autre côté du couloir, elle s'assure que la jeune femme dort puis va se coucher sans appréhension. Elle a laissé Sir Stevenson dans sa bibliothèque. Il semblait occupé par des affaires du domaine.


Jane ne dort pas. Elle entend chaque craquement du manoir, chaque hululement des chouettes à l'extérieur. Elle a entendu Lady Stratton se coucher, il y a plusieurs heures. Puis une autre porte s'est refermée à l'étage, il y a une heure. Sir Stevenson sans doute.

Jane se dit que si elle n'arrive pas à dormir, un livre pourrait l'y aider. Or, elle n'en a aucun à disposition. Elle se lève. Se couvre d'un châle et sort de la chambre discrètement.

Atteindre la bibliothèque n'a posé aucun problème. Les marches n'ont même pas craqué sous son pas léger. Elle est debout devant les rayonnages et parcourt les reliures grâce à la lumière de sa bougie. Elle en trouve un qu'elle connaît de nom et le prend. Lorsqu'elle se retourne, Christopher Stevenson est là. Dans la bibliothèque.

Comment fait-il pour être aussi discret ? Déjà dans la salle d'entraînement, elle ne l'avait pas entendu arriver. Ici non plus.

— Que faites-vous ici ? demande-t-elle d'une voix peu assurée.

— Je vous retourne la question.

— Je n'arrivais pas à dormir. Alors je suis venue chercher de la lecture.

— Moi aussi.

— Vous venez chercher de la lecture ?

— Je n'arrivais pas à dormir, dit-il en se rapprochant dangereusement d'elle.

Jane s'écarte pour lui laisser le passage, mais il suit son mouvement.

— Laissez-moi sortir, Sir Stevenson.

— Non. Je ne peux pas.

— Sir Stevenson ?

— Oui, Mlle Shaw, répond-t-il en se rapprochant encore jusqu'à être presque collée à elle.

— Accueillez-vous toutes les femmes de cette manière dans votre manoir ?

— Peu de femmes en franchissent les portes, Mlle Shaw. Et aucune ne vous ressemble.

— Suis-je si particulière ? Je ne comprends pas...

— Vous êtes une femme stupéfiante, Jane Shaw, et vous me demandez pourquoi ?

— Je ne me trouve pas si « stupéfiante » ...

— Vous l'êtes et vous éveillez en moi des attentes que je n'avais pas eues depuis fort longtemps.

— Des attentes ?

— Je vous désire tellement... murmure-t-il en relevant avec délicatesse le visage de Jane vers lui.

— Nous ne pouvons rien y faire, hélas ! À moins que vous ne souhaitiez me perdre... Vous ne souhaitez pas me perdre, n'est-ce-pas ? Ne le souhaitez pas, je vous en prie, murmure-t-elle sans le regarder.

— Jeune sotte. Bien sûr que non. Mais il y bien des moyens de jouir du corps. Bien des moyens que vous ignorez manifestement.

— Qu'est-ce que vous...

Jane n'achève pas sa phrase. Il lui a pris sa bougie et l'a posée sur une petite table près d'eux. Il lui relève le menton et approche ses lèvres si près des siennes à elle, qu'elle sent son haleine mêlant alcool et tabac.

— Je vais d'abord prendre votre bouche, Mlle Shaw. Ensuite, je prendrai le reste et vous aurez tant de plaisir que vous ne vous rendrez pas compte que je n'ai pas pris l'essentiel. Ça, je vous le laisse, avec votre honneur. Je vous le promets.

Il l'enferme alors dans ses bras en l'embrassant passionnément, avant de la soulever et de la porter jusqu'à sa chambre.

Jane se laisse faire. Non parce qu'elle se sent en danger ou prisonnière, mais parce qu'elle est curieuse. Et que, si elle se bat autant pour préserver son honneur, c'est surtout à cause de sa peur de tomber enceinte. Ce sur quoi, Lady Stratton est d'accord. Lorsqu'elles en ont discuté, il y a un moment, la marquise lui a bien fait comprendre que tous ces concepts d'honneur et de vertu, n'avaient que peu d'importance en réalité. Il ne tenait pas à l'absence de péché ou de débauche, mais au secret qui entourait le libertinage. Elle-même était considérée comme vertueuse et honorable, alors qu'elle avait eu une aventure sérieuse avec un homme marié durant dix ans, et des amants de passage par la suite. Le secret est la clé. Le secret et l'apprentissage des plaisirs du corps.

Contrairement à ce qu'elle souhaiterait de Lord Carver-Hill, alors qu'il est pour elle inaccessible, elle n'attend pas de Stevenson qu'il l'aime d'un amour inaltérable, mais simplement qu'il honore sa promesse.

L'éducation de Jane ShawOù les histoires vivent. Découvrez maintenant