48/ Être une amie

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Jane est abasourdie par ce que vient de déclarer Emma. Non seulement parce qu'elles pensaient à la même chose en même temps, mais aussi et surtout pour le témoignage de confiance qu'elle lui porte en décidant de quelque chose d'aussi important pour la vie de son enfant.

Le premier réflexe de Jane est de rassurer son amie. Quand bien même, elle est aussi inquiète qu'elle. Ensuite, elle tente d'éclaircir les choses.

— Jack ne voudra pas se séparer de cet enfant, Emma. Il voudra le garder près de lui. Surtout s'il t'arrive quoi que ce soit. Il t'aime, tu sais.

— Je sais. Mais il ne saura pas s'en occuper.

— Il a plusieurs sœurs et une mère...

— Justement ! Promets-moi que tu ne laisseras pas mon enfant à cette famille !

— Emma ? Mais... Je croyais que tu t'entendais bien avec ta belle famille.

— Depuis mon mariage, je n'ai jamais été qu'un ventre à féconder...

— Mais... Jack...

— Il est... gentil avec moi, mais il est fébrile. Trop. Il me traite comme une poupée de porcelaine. Il s'en remet à sa mère pour tout. Je suis en cage, Jane.

— Ça ira mieux après l'accouchement. Tu seras heureuse d'avoir leur aide. Tu verras. Pour le moment, c'est ton corps en mutation qui parle. Ma mère me disait toujours qu'une femme enceinte est pire qu'un dragon susceptible ! Je crois qu'elle avait raison ! Ton état t'a changé ! Ma chère Emma, si douce et gentille !

— Fini la douce Emma ! Emma, elle en a assez de tout ceci... elle voudrait accoucher demain !

— Ne parle pas de malheur ! Il faut que tu tiennes le coup. Après, tu seras la plus parfaite des mamans !

— Si ça se passe bien.

— Mais ça va bien se passer ! Emma ! Pourquoi es-tu si sombre ?

— Je fais des rêves, Jane. Des rêves terribles...

Jane se précipite vers son amie qui s'est mise à pleurer. Elle l'enlace.

— Promets-moi, Jane que tu prendras soin de mon enfant, s'il m'arrive malheur.

— Je le promets, Emma, mais la loi ne m'autorisera rien.

— La loi est avec moi. J'ai fait faire des documents officiels par M. Robertson.

— Emma ! Mais... Tu crois vraiment que tu vas mourir ! C'est impossible ! Je serai là ! Je t'aiderai ! Nous serons fortes toute les deux ! Tu ne pourras pas baisser les bras.

— Je t'aime tant, Jane...

— Moi aussi Emma. Moi aussi ! Alors ne t'avise pas de m'abandonner !

Emma fait un faible sourire, mais le cœur n'y est pas. Elle est convaincue qu'elle ne survivra pas à son enfant.


Jane n'a plus le cœur à parler de ses problèmes. Elle passe le reste de son séjour à égayer la vie d'Emma. À lui rendre son sourire. Elle l'emmène se balader sur un traîneau, à l'abri de tant de couvertures que la pauvre Emma à bien du mal à respirer. Une fois le problème réglé avec la disparition spontanée de plusieurs couches de laine et de fourrure, elle jouit du moment et s'abandonne à la joie d'être avec sa meilleure amie et de faire quelque chose que sa belle-famille n'approuve pas.

Anastasia, la nièce de 5 ans de Mme Robinson, l'intendante de la maison Jolister, aime bien leur tenir compagnie. Elle s'assoit près d'elle et les questionne. Enfin surtout Jane, qui fascine la fillette, parce qu'elle habite à Londres et vit avec une Lady. Une vraie ! Une qui va au bal, habillée de robes somptueuses et de bijoux incroyables, qui danse avec de beaux messieurs élégants et courtois.

Sans compter que Jane leur montre les dessins qu'elle a réalisé pour Emma des robes de bal qu'elle a pu voir en détail et dont elle se souvient. Pour Anastasia, Jane est l'assistante d'une princesse. Une presque princesse elle-même puisqu'elle va aussi au bal avec la Lady. Une presque princesse... Ce qui fait beaucoup sourire Jane et Emma.

Un soir où elles sont seules, Emma, qui pour une fois n'a pas l'esprit du côté triste, demande à la « presque princesse » si elle a rencontré de « beaux messieurs » accessibles pour une demoiselle de compagnie...

— Accessibles... Les beaux messieurs sont rarement accessibles. Disponibles, oui.

— Oh ! Jane ! Quelle petite dévergondée, tu fais !

— Je vous ai connue plus délurée, Madame Jolister... Est-ce le mariage qui vous a rendue si prude ! lance Jane en souriant.

Emma rit mais fixe Jane avec la certitude que son amie lui cache quelque chose.

L'éducation de Jane ShawOù les histoires vivent. Découvrez maintenant