29/ L'amour n'attend pas...

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Le Comte de Farmor avance d'un pas résolu vers Jane Shaw et la marquise d'Ormondis qui sont en train de discuter avec plusieurs autres femmes. Mais au moment où il va les atteindre, sa sœur Camilla s'interpose et lui tend sa main. Il n'a pas le choix. Il sourit en jetant un œil vers son objectif initial.

Jane n'a rien remarqué de son approche. Par contre, Lady Stratton n'en n'a rien manqué. Elle lui sourit très largement en lui faisant un imperceptible signe de tête. Lui reconnaît-elle du courage ?


La valse entraîne les danseurs dans une ronde virevoltante. En dépit de son aversion pour les mondanités, Camilla danse très bien. Elle semble particulièrement en beauté en cet instant. La robe rose pâle qu'elle a demandée à leur mère, met en valeur sa carnation de blonde et contraste avec le costume sombre de Marcus. Un peu de rouge lui teinte les joues à cause de la danse. Elle sourit largement. Ses yeux verts brillent d'un éclat fiévreux.

— Tu devrais moins sourire, Camilla.

— Pourquoi ? Je suis si heureuse quand je danse avec toi

— Et bien justement, aucune jeune fille en âge de se marier ne devrait être heureuse de danser avec son frère.

— Ce que tu peux être bête, Marcus ! J'ai encore deux sœurs en âge de se marier, je ne crois pas être dans le viseur de quelques prétendants. Ils n'ont d'yeux que pour Maria et Olivia, les deux délicieux boutons de rose que notre mère expose sans vergogne.

— Tu n'as rien à leur envier, Camilla. Tu es aussi jolie qu'elles, voire plus à mes yeux. Et je ne suis pas le seul à le penser, car ce serait mentir que prétendre qu'aucun homme ne s'intéresse à toi.

— Pardon ? s'exclame Camilla en manquant un pas d'étonnement.

— Je sais de source sûre qu'il y en a un qui te trouve très intéressante. Particulièrement attirante aussi.

— Arrête de te moquer de moi, Marcus ! Allez ! Quels sont les pires possibilités que ton esprit torturé et cruel a pu me trouver pour me tourner en ridicule ?

— Oh, mais je ne plaisante pas.

Camilla le fixe sérieusement. Son visage a perdu ses couleurs.

— Tu vas me marier à qui, Marcus ?

— Qui te parle de te marier ? Je te l'ai dit, personne ne te forcera au mariage, si tu ne le souhaites pas. Mais tu ne devrais pas penser que l'amour peut attendre. Regarde le petit Jeffrey...

— Le fils cadet de Lord Greenday ?

— Regarde le se languir d'amour pour la jolie Cléa Swift.

— Mais il n'a que 10 ans !

— Oh ! Seulement 10 ans ! Et donc, cela lui interdit de ressentir l'amour ? Je ne crois pas.

— Je... qui s'intéresse à moi, Marcus ?

— Un homme. Pas jeune. Pas vieux non plus. Plus ou moins mon âge, en somme. Un homme qui n'aime pas non plus les mondanités, mais les supporte par convenance. Mais s'il avait le choix, il s'en passerait.

— Il a le choix. Il est un homme. Les hommes trouvent toujours des excuses.

— Pas toujours. Il en évite autant qu'il peut, mais s'il ne veut pas passer pour un ermite, ou pire, un excentrique, il doit se montrer.

— Que lui importe ce que l'on pense de lui. Moi à sa place, je ne me priverais pas.

— Intéressant ce que tu dis là, Camilla. Parce que vois-tu, s'il ne veut pas passer pour un ermite ou un excentrique, c'est qu'il a peur d'effrayer une certaine jeune fille de ma connaissance qu'il trouve intelligente et désirable.

Camilla se met à rougir brusquement. La valse s'achève sur les mots de son frère. Il n'a pas donné de nom. Elle ne sait rien de celui qui s'intéresse à elle. Prétendument... Non ! Marcus n'aurait pas la cruauté de lui parler de cette manière d'un homme qu'elle ne pourrait pas envisager d'épouser. Il y a forcément quelqu'un...

— Comte Grisham ? Je crois que vous n'avez jamais eu le plaisir d'être présenté, officiellement s'entend, à ma sœur cadette, Camilla. Être spectateur silencieux d'une bataille de coussins ne compte pas.

Maintenant qu'elle se trouve face à lui, Camilla remarque qu'il est fidèle au portrait qu'elle conserve à l'esprit depuis leur presque baiser. Le Comte Grisham doit avoir plus ou moins le même âge que son frère. Proche de la trentaine. Il est grand et bien bâti. Il porte ses cheveux blond courts, ce qui est peu commun puisque la mode masculine est aux cheveux légèrement longs. Son visage est taillé à la serpe et ses yeux sont deux billes noires insondables. Sa peau semble marquée par le soleil. Il sent les embruns et l'air du soir. Elle le soupçonne de revenir des jardins.

— M'accorderiez-vous cette danse, Mlle Carver-Hill ?

Camilla ne répond pas. Elle se contente de présenter son bras, tandis que son frère s'éclipse sur le côté.

L'éducation de Jane ShawOù les histoires vivent. Découvrez maintenant