23/ Un mystérieux visiteur

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Tête basse, Camilla s'éclipse rapidement de la bibliothèque, sa mère sur les talons. Ni l'une, ni l'autre ne remarque le regard du visiteur s'arrêter sur la jeune fille aux joues rougies et aux yeux pétillants de malice.

— Grisham ! Quel plaisir de vous voir ici ! Êtes-vous rentré depuis longtemps ?

— Hier, pour tout vous dire. Je me suis permis une journée de repos après le voyage. Puis je suis allé chez vous directement, mais votre valet m'a dit que vous étiez ici, dans la demeure de feu votre père. Je me suis permis de... j'espère que je ne dérange pas ?

— Pas du tout. Comme vous avez pu le constater les conversations avec la benjamine sont toujours très...

— Espiègles ?

— C'est ça. Nous allons employer ce terme. Il convient tout à fait à ma sœur.

— Camilla, c'est ça ?

— C'est ça. La petite dernière et la plus difficile des quatre.

— Allons bon. Je ne crois pas un seul instant que cette jeune femme puisse être difficile. Vous avez l'air de la maîtriser parfaitement, dit Grisham en souriant.

— Oui. Parfaitement. C'est aussi le bon terme. Si vous saviez la teneur de notre dernière conversation, vous en frémiriez. Quand elle fera son entrée dans le monde, je crains fort qu'il n'y ait une déflagration mortelle parmi la gent masculine. Heureusement pour nous, toutes ses sœurs auront été mariées avant.

— Si terrible ?

— Elle méprise les hommes parce que nous méprisons les femmes. Elle ne veut pas qu'on lui impose un époux, mais ne refuse pas l'idée d'un mariage, à condition de trouver une perle qui la respecte et la considère comme son égal. Le jour où elle va tomber amoureuse du premier paltoquet venu, nous allons bien nous amuser. Enfin, je crois. Avec sa mauvaise foi, il y a des chances pour qu'elle prétende n'avoir jamais rien dit de tel ! Je crois que je n'ai pas hâte finalement...

— Mais vous l'adorez telle qu'elle est.

— Je ne voudrais la changer pour rien au monde. En dehors du fait qu'elle soit jeune et qu'elle ne soit qu'une « femme », elle est extrêmement intelligente et cultivée. Elle peut tenir sans problème des conversations sur n'importe quel sujet bien mieux qu'un étudiant d'Oxford.

— Voilà une femme intéressante.

— Si c'était une femme ! Mais elle n'a que 15 ans ! Toute cette intelligence s'accompagne donc de toute l'effronterie de cet âge !

— Cocktail détonant s'il en est.

— Comme vous dites... Pourquoi sommes-nous en train de parler de Camilla ? Vous n'avez pas fait tout ce chemin pour cela. Alors ce voyage ? Comment s'est passé la vente de nos produits ?

Grisham commence l'exposé détaillé de son voyage. Bien que très concentré sur les éléments qu'il sait importants pour Carver-Hill, il ne peut s'empêcher de remarquer une silhouette se faufiler dans la pièce en passant par la coursive du haut de la bibliothèque. La jupe vert sombre de Camilla disparaît derrière l'unique fauteuil disposé là-haut.

Il poursuit son récit mais prend en considération son nouvel auditoire. Il ajoute des anecdotes sans importance sur les autochtones, sur les marchands étrangers et les coutumes des terres lointaines dont il revient : l'Inde. Il cherche à mettre de la couleur et de la chaleur dans ses mots, car ce pays en est composé entièrement. Puis il poursuit par le voyage de retour. La tempête subie qui a failli emporter le navire. L'affrontement avec la nature sauvage et violente. Puis enfin le calme. Le retour au pays.

Carver-Hill est enchanté. Il pose quelques questions. Grisham lui répond sans détour. Il a quelques documents à lui faire examiner et approuver. Il les dépose sur le bureau et pendant que Marcus les parcourt et les signe, Grisham fait comme s'il admirait la bibliothèque.

— Cette pièce est vraiment magnifique.

— Hum... oui. Vraiment... répond distraitement Carver-Hill.

— Je peux monter à l'étage voir les atlas ? Je suis curieux de voir ce que vous avez.

— Faites, faites...

L'éducation de Jane ShawOù les histoires vivent. Découvrez maintenant