37/ Une jeune fille déterminée

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Lord Carver-Hill s'était isolé dans la bibliothèque pour une raison qu'elle ignore encore aujourd'hui. Peut-être cherchait-il à l'y attirer ? Quoi qu'il en soit, elle avait saisi l'opportunité et l'y avait suivi.

La porte fermée dans son dos. Le feu crépitant dans la cheminée. Son regard posé sur elle. Intense, affamé, comme celui de Marcus sur Jane. Eugénia avait eu tort de penser que son âge pourrait être un frein aux désirs de cet homme. Parfois, la passion occulte tous les obstacles potentiels ou réels. L'âge n'était donc pas un problème. Les conséquences de ce qui allait suivre non plus. Il semblait croire que rien de fâcheux ne pouvait leur arriver. Ce qu'il sentait entre eux, était bien trop fort. Il n'avait peur de rien, et elle en avait été intimidée un court instant.

Jusqu'à ce qu'il se lève et qu'il s'approche.

Malgré son inexpérience, la future lady avait affronté sa peur et fait face à l'homme qu'elle désirait comme jamais elle n'avait désiré. Cette force incandescente en elle était si nouvelle, si enivrante qu'elle ne cherchait pas à la freiner. Elle voulait s'y abandonner. Et s'y abandonner dans ses bras à lui.

Ils n'avaient échangé aucune parole ce soir-là. Il s'était contenté de la prendre dans ses bras avec délicatesse malgré son propre désir d'elle. Il l'avait portée sur une banquette et avait pris son temps pour jouir d'elle. Il s'était retenu de prendre sans donner. Il avait été patient et attentif. Il l'avait caressée longuement. Avait embrassé chaque parcelle de sa peau accessible à sa bouche. Ses mains en découvrant toujours de nouvelles. Eugénia l'avait laissé jouer avec son corps offert. Elle avait été docile puis impérieuse.

Quand elle avait découvert son membre viril érigé entre ses cuisses, elle avait soupiré dans l'attente d'une jouissance encore plus grande que celle qu'elle avait ressenti jusque-là. Et elle n'avait pas été déçue. La douleur avait été infime. Le plaisir à la hauteur de ce qu'elle attendait de lui. Et contrairement à ses craintes, elle avait vu dans ses yeux à lui, qu'il avait lui-aussi eu ce qu'il souhaitait d'elle. Il en avait paru étonné. Comme si une si jeune et si inexpérimentée jeune fille n'aurait pas dû avoir ce genre de pouvoir sur lui. Elle avait souri et l'avait embrassée avec passion, scellant ainsi le début de l'aventure amoureuse qu'ils allaient vivre durant les années qui suivraient.

Il avait fallu être prudent. Trouver des subterfuges. Faire durer la cour de James en acceptant celle d'autres jeunes coqs durant sa première saison. Puis la seconde. Mentir. Se jouer de ces mâles sans intérêt. Se retrouver chaque fois que c'était possible.

Leur appétit ne s'était jamais tari. Il avait abandonné ses autres maîtresses, n'avait plus regardé sa femme. Il avait trouvé un lieu propice à leurs ébats. Et elle s'était épanouie dans ce mensonge, comblée par le plaisir de le sentir en elle. Il n'y avait pas eu que du désir entre eux. Il y avait eu aussi de l'amour. Un amour impossible cependant. Il était marié. Elle était censée être une héritière convoitée.

Et puis, son destin avait encore été ébranlé. Les parents d'Eugénia étaient morts. Un tragique accident de bateau. Ils ne savaient nager, ni l'un, ni l'autre. Ils avaient donc disparu avant qu'elle ne soit mariée. Sans autre héritier potentiel lointain ou proche. Sans qu'ils aient désigné un tuteur légal. Elle était devenue maîtresse de son destin portant désormais son titre en son nom propre. À 18 ans à peine, elle était devenue puissante.

Et tout s'était effondré. Pas immédiatement, cependant.

Eugénia Stratton, Marquise d'Ormondis avait honoré la période de deuil par une absence quasi-totale des salles de bal et de réception. Elle avait éconduit tous ceux qui s'étaient présentés à sa porte, amis, prétendants – et ils étaient nombreux à vouloir mettre la main sur son titre et sa fortune –, sauf lui.

Elle avait noyé son chagrin dans une débauche sans fin. Il y avait plongé avec elle. Puis elle avait refait surface, mais lui était resté au fond. Elle ne l'avait pas compris immédiatement. Elle avait voulu croire qu'elle était libre de l'aimer désormais. Ils s'entendaient si bien. Il existait une réelle fusion entre eux. Un amour naturel et tangible.

Lorsqu'elle avait repris le chemin des mondanités, elle avait dû faire face à la pression que la société aime à exercer sur les femmes libres. Les jeunes et jolies veuves dotées, les orphelines fortunées. Ses « amies » lui trouvaient de potentiels maris à chaque sortie, à chaque bal, à chaque promenade. Elle s'épuisait à repousser les avances et les approches parfois maladroites. Elle n'avait que 20 ans.

Lord Carver-Hill assistait à cette mascarade sans broncher, malgré son désir ardent d'évacuer la plupart de ces arrogants personnages en les étripant soigneusement. Il craignait qu'elle ne tombe amoureuse d'un autre. Il avait commencé à être jaloux, alors qu'elle n'avait connu que lui et ne désirait que lui.

Leur duo secret avait encore duré deux ans. Elle avait tenu bon. Et puis, James Carver-Hill s'était de nouveau intéressé à elle. Et ça avait été la fin.

L'éducation de Jane ShawOù les histoires vivent. Découvrez maintenant