55/ ... et se laisser vaincre

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— Je suis peut-être fille de soldat, mais je ne suis pas fille à soldat, dit-elle en le repoussant sans violence cependant.

— Je m'excuse. Le combat m'aura fait oublier les bonnes manières, répond-t-il en s'écartant ostensiblement d'elle.

Mais il sourit toujours. Il a eu un baiser. Et il ne l'a pas complètement volé. Elle lui a rendu. Et elle le sait. Quelle singulière jeune femme ! Elle excite aussi bien sa curiosité que son appétit.

— Lady Stratton doit m'attendre et je vais devoir me changer... encore. Je m'excuse, dit-elle enfin en commençant à s'éloigner.

— Lady Stratton s'est assoupie près du feu, mademoiselle Shaw. Vous avez tout votre temps, répond-t-il en se rapprochant de nouveau d'elle.

Sans la quitter des yeux, il pose sa main sur le plat de la porte qu'elle allait ouvrir. Puis il se penche de nouveau vers elle et l'embrasse encore. Mais cette fois, ses bras se referment sur elle, et son corps la plaque contre le battant de bois.

Jane ignore pourquoi elle ne le repousse pas. Peut-être parce qu'elle aussi le désire ? Ou parce qu'elle s'efforce de comprendre ce qui l'anime en réalité ? Elle étouffe un gémissement sur son épaule quand l'une de ses mains s'aventure entre ses cuisses. Il ne s'embarrasse pas de la caresser, il la pénètre de ses doigts sans détour tout en l'embrassant. Puis il la soulève comme si elle n'avait été qu'une plume. Elle enroule ses jambes autour de sa taille naturellement, tandis qu'il plonge son visage entre ses seins qu'il a découvert sans difficulté. Sa langue s'amuse de ses tétons durcis de désir. Il la rend folle. Mais elle sait aussi qu'elle ne peut le laisser faire ce qu'il veut d'elle. Elle doit l'arrêter, malgré son désir de lui. Elle doit l'arrêter très vite.

Elle l'écarte brusquement et détache ses jambes, l'obligeant à la poser à terre. Il la fixe interloqué. Il ne comprend pas. Son désir est tel... Il ne comprend toujours pas quand elle disparaît par entrebâillement de la porte sans un mot.


Jane entend qu'il abat sa colère et sa frustration sur le mobilier de la salle qu'elle vient de quitter. Elle est au milieu de l'escalier. Elle comprend. Elle-même ne sait pas comment apaiser son corps en feu. Elle va devoir patienter et penser à autre chose. Qu'il est difficile d'être autant désirée et de désirer autant, sans jamais pouvoir assouvir ce même désir. C'est comme ne jamais pouvoir étancher sa soif alors qu'une fontaine coule à vos côtés.

Lorsque Jane entre dans sa chambre, Lady Stratton s'y trouve. Elle est assise sur le lit et a les yeux dans le vague.

— Jeune fille, nous devons avoir une conversation.

— Une conversation ? À quel sujet ? demande Jane étonnée.

— Vraiment ? Vous me demandez ? Vous ne pouvez embraser le cœur de tous les célibataires ténébreux d'Angleterre !

— Ça n'est pas les cœurs que j'embrase, hélas ! Et je ne fais pas exprès de leur plaire. D'ailleurs, j'ai insulté Sir Stevenson ! Plusieurs fois.

— Mais pas que. Figurez-vous que je vous cherchais. Et j'ai entendu ce qui se passait derrière cette porte ! Qu'avez-vous fait Jane !

— Rien ! Enfin, pas rien ! Mais pas assez pour me compromettre ! Je vous le promets, Lady Stratton.

— Il ne manquerait plus que vous succombiez aux charmes d'un homme alors qu'un autre vous attend de pied ferme à Londres.

— Mais pourquoi sont-ils tant attirés par moi ! Je n'ai de cesse d'être désagréable. Je les repousse.

— Pas Sir Christopher.

— Je reconnais que je n'aurais pas dû me battre au fleuret avec lui, mais c'était si excitant ! Cela m'a rappelé les entraînements avec mon père.

— J'espère que ces entraînements ne s'achevaient pas par le genre de gymnastique que vous pratiquiez avec Sir Stevenson tout à l'heure.

— Lady Stratton. Mon père était un homme honorable !

— Et vous, Jane. Êtes-vous une jeune fille honorable ?

— Je le suis, mais je ne sais que faire de tout ce que je ressens à cause de...

— Des hommes ! Ces hommes ! Vous n'êtes pas tombée sur les plus maladroits manifestement. Bien. Venez ici et racontez-moi. En fonction de ce que vous me direz, vous ne réapparaîtrez pas d'ici demain matin au moment du départ.

Jane raconte avec peu de détails cependant comment elle a embrasé le corps de Sir Christopher Stevenson. Ce qu'ignore les deux femmes, c'est que Stevenson entend tout de leur conversation. Il est dissimulé dans le petit passage qui sépare la chambre de Mlle Shaw de la salle d'eau voisine. Ainsi, La demoiselle est une vierge effarouchée. Il est stupéfait. Il pensait cette jeune dame affranchie, vu son comportement avec lui. En fait, elle est totalement inexpérimentée. Voilà qui est intéressant.

L'éducation de Jane ShawOù les histoires vivent. Découvrez maintenant