28/ La stupéfiante dame de compagnie

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Jane sent les regards posés sur elle. Elle ne s'attendait pas à être aussi remarquée. Il doit y avoir quelque chose qui ne va pas dans sa tenue. C'est impossible autrement. Elle est mortifiée à l'idée d'être inconvenante alors qu'elle accompagne la marquise.

— My Lady, y a-t-il quelque chose qui ne va pas avec ma tenue ? Pourriez-vous, je vous prie regarder discrètement ? J'ai peur d'avoir un accroc ou pire...

— Cessez de vous inquiéter, Mlle Shaw. Vous êtes très en beauté, ce soir. Et c'est justement cela que toutes ces dames admirent.

— Admirent ? Je ne pense pas. Je crois même qu'une ou deux d'entre elles pourraient bien tenter de m'éliminer si on leur en laisse l'opportunité...

— Tiens ! Comme c'est intéressant...

— Qu'est-ce qui est intéressant ? Le fait que l'on veuille me tuer ce soir ?

— Non. Je parlais d'un certain lord de notre connaissance. Je crois qu'il va faire une syncope à force de vous dévorer des yeux. Et je vous interdis de rougir ou de vous retourner, jeune fille. Ce serait beaucoup moins amusant. Allons, venez ! Voici la mariée... Allons la féliciter comme il se doit.


Les discussions vont bon train. L'ambiance est chaleureuse. Des couples dansent. Malgré le froid extérieur, il fait si chaud à l'intérieur de l'immense salle de bal que des portes-fenêtres ont été ouvertes sur le jardin.

Après avoir dansé plusieurs fois avec des jeunes-filles que sa mère lui a présentées, après avoir fait danser chacune de ses sœurs, elles-aussi plusieurs fois, Marcus s'est mis en retrait des groupes qui se sont formés. Il patiente. Un verre à la main, il observe Jane Shaw.

Elle a dansé une seule fois. Avec un jeune homme fort bien de sa personne, mais sans intérêt. Un cadet. Un gamin sans espoir de véritable héritage. Aucun autre n'aurait osé l'inviter, malgré les coups d'œil appréciateurs et les commentaires élogieux murmurés ici et là. Elle n'est que dame de compagnie. Une jeune femme de bonne famille mais désargentée. Pas une héritière. Pas de dot, ni de fortune potentielle.

Quelle bande de sots ! Jane est la jeune femme la plus resplendissante de cette soirée. Après la mariée, s'entend.

Sa robe aux teinte gris perle, discrète, met en réalité en valeur la blancheur de sa peau et la noirceur de ses cheveux. C'est un ensemble de contrastes fascinants. Elle ne porte qu'un bijou aussi discret qu'elle devrait l'être. Une larme de cristal au bout d'une simple chaînette d'argent. Une larme qui atteint presque la limite de son décolleté.

En cet instant, Marcus aimerait être cette larme de cristal.

Il remarque les regards appuyés que lui lance Lady Stratton. Elle l'observe. Et ses yeux le mettent au défi d'inviter sa protégée. Elle se rit de lui et de son tourment. Car elle sait. Elle sait et s'en réjouit. Marcus est très en colère contre elle. Pourquoi le soumet-elle à une telle torture ? Ne fait-elle que s'amuser ? A-t-elle quelques griefs contre lui ? Lui en veut-elle de ne pas avoir épousé la fille de sa cousine, il y a deux ans ? Il ne comprend pas.

Toutefois, bien qu'elle pense le connaître, elle semble ignorer que Marcus est joueur. Pas qu'il aime parier et jouer aux cartes, non. En revanche, il aime les défis. Et sans le savoir sans doute, elle lui en lance un qu'elle le pense incapable de relever.

Elle se trompe lourdement. Après tout, il ne joue pas sa réputation. Il est considéré comme un homme sérieux et raisonnable. On vient lui demander conseil et on prend en considération ses avis. Il n'est pas fiancé. Il ne courtise aucune femme. On ne lui connaît aucune maîtresse. Il ne craint pas grand-chose à inviter Jane Shaw à danser. Tout au plus quelques interrogations qui disparaîtront une fois la réception terminée.

L'éducation de Jane ShawOù les histoires vivent. Découvrez maintenant