71/ Duplicité et cœur brisé

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Emma est si heureuse de profiter de Jack qui n'est venu qu'en coup de vent depuis l'arrivée de Jane. Elle se tient à son bras et marche lentement. Un peu pour faire durer ce moment. Un peu parce qu'elle est fatiguée et n'en dit rien.

Ils discutent de choses et d'autres. Il est gentil et attentionné, comme toujours. Comme toujours ? Elle prend conscience que s'il l'a questionnée sur son état, il ne s'est pas appesanti. Ce qu'elle prend pour de la pudeur n'est peut-être que du désintérêt ? Elle se morigène de penser cela de celui qui l'a choisie elle, parmi les autres filles de la ville pour en faire son épouse. Elle n'était ni la plus jolie, ni la mieux dotée. La plus docile ? Sans doute.

Elle se demande soudain s'il voit d'autres femmes. Sa belle-mère a sous-entendu que les hommes avaient des besoins à satisfaire durant la grossesse de leurs épouses. Surtout quand celles-ci étaient de petites natures comme Emma et qu'il fallait les préserver de tout. La jeune fille se souvient d'avoir rougi, sentant la critique sous-jacente. Mais elle ne s'était pas posée plus de questions.

Maintenant qu'elle y repense, elle se demande si Jack n'aurait pas une autre femme dans sa vie ? Elle va devoir en parler à Jane. Son amie sera quoi faire à ce propos. Elle est tellement plus dégourdie qu'elle.

— Jane m'a proposé de revenir à la maison, dit-il soudain. Je crois que je vais accepter. Tu es bientôt arrivée au terme et ce serait sans doute mieux que je sois là au cas où tu aurais besoin...

— C'est vrai ! Je serais tellement contente que tu reviennes... Je serai heureuse de te savoir proche, même si nous ne partageons plus la même couche.

— Bientôt, je serai de nouveau auprès de toi dans notre lit, ma douce, dit-il avec une voix qu'elle ne lui connaît pas. Un ton à la fois chaleureux et légèrement discordant.

Elle frémit.

— Mais tu trembles ? Rentrons. Il ne faudrait pas que tu attrapes froid maintenant.

Il l'accompagne jusqu'à sa chambre et la confie à l'intendante. Il ne reste pas plus. Jane est sortie à cheval. Elle rentrera plus tard. Emma est seule.

Emma est seule et quelque chose la chiffonne. Elle a cru voir la monture de Jane en passant dans la cour. Elle se relève et s'habille d'un simple peignoir sur son épaisse chemise de nuit. Elle ne croise ni l'intendante, ni la bonne lorsqu'elle parcourt le long couloir qui la mène au salon, puis à la cuisine. Elle sort dans la cour avec ses petits souliers d'intérieur. Elle va les abîmer, mais elle ne s'en soucie guère. Elle avance jusqu'aux écuries.

Une fois à l'intérieur, elle se sent enveloppée de la chaleur animale qui règne toujours ici. Le palefrenier n'est pas là non plus. Pourtant il y a quelqu'un. Elle entend des murmures du côté des stalles du fond. Emma s'approche lentement sans faire de bruit, car elle sait au fond d'elle, qu'elle ne devrait pas être ici. Et ce qu'elle aperçoit bientôt lui brise le cœur.

Jack est là, à moitié nu, besognant une femme à quatre pattes dans la litière fraîche de la stalle. Il ne s'agit pas de Jane. Non. Il s'agit d'une autre qu'Emma ne reconnaît pas. Elle ne voit que ses cheveux que son mari tient comme s'il s'agissait de la crinière d'un cheval.

Le mouvement de va et vient qu'il imprime à son corps est violent, sauvage. Il ne retient rien. Il ne s'est jamais comporté comme ça avec Emma qu'il touche à peine et qu'il pénètre avec tiédeur. Elle le pensait attentionné avec elle, mais elle découvre qu'en réalité, il ne l'a probablement jamais désirée. Pas comme il désire celle qu'il chevauche avec ardeur en cet instant. Alors pourquoi l'avoir épousée, elle ?

Docile. Oui. Emma est docile et douce. Assez sotte aussi. Assez sotte pour croire en l'amour d'un homme qui n'avait besoin d'une épouse que pour contenter sa famille. Cette grossesse ne pèse pas à Jack, pas plus que sa vie d'époux. Il a de quoi satisfaire « ces besoins » comme dit sa mère. Emma a envie de hurler mais se retient. Son gémissement se mêle à celui de son mari lorsqu'enfin, il jouit dans celle qui s'abandonne avec lui. Emma voudrait fuir, mais n'en trouve pas la force.

Elle s'effondre alors que celui qui vient de lui briser le cœur la voit et ne s'en trouve pas honteux. Il se rhabille sans hâte, chasse la fille qu'il vient de prendre en sauvage et relève sa femme sans ménagement et sans rien dire.


Lorsqu'il l'assoit sur le bord du lit, il se place face à elle pour lui parler.

— Écoute-moi bien, Emma. Si tu dis un mot de ce que tu viens de voir à ta chère amie Jane, je te promets que ma vengeance sera à la mesure de ma colère. Je pourrais bien avoir envie de lui faire payer son arrogance par exemple, commence-t-il par dire d'un ton froid, tranchant. Il est si facile de détruire une femme. Toute marquise qu'elle soit devenue, elle n'est rien à mes yeux. un corps séduisant, des chairs à pétrir et des cuisses à ouvrir de force s'il le faut. alors, si tu veux la protéger, tu vas devoir garder le silence. N'oublie pas que tu me dois obéissance et respect. J'ai tout les droits sur toi, finit-il en lui écartant les cuisses brutalement.

— Arrête ! Arrête, Jack ! Le bébé... Ne me fais pas de mal ! s'écrie Emma effrayée par son regard et ses gestes.

— Ne t'inquiète pas Emma, je ne vais rien te faire. Je pourrais si ton corps ne me répugnait pas autant, dit-il en se relevant brusquement.

Il la toise un instant sévèrement avec une marque de dégoût, tandis qu'elle remet fébrilement sa chemise en place. Puis un mauvais sourire fleurit sur le visage de Jack.

— En fait, tout en toi me répugne. Une fois que tu auras donné naissance à notre enfant, il sera confié à ma famille pour que tu n'ai pas l'opportunité d'en faire un être faible et geignard comme toi. Tu seras l'épouse silencieuse et tu ne diras rien. Je viendrai dans ta couche jusqu'à obtenir un fils. Ensuite, tu n'auras plus aucune utilité à mes yeux. Arrange-toi pour sourire et paraitre aimable jusqu'au départ de la marquise. Sinon...

Après qu'il ait fermé la porte, Emma s'effondre en gémissant sur sa couche. Il est son mari et ce qui se passe dans cette chambre ne concerne qu'eux. Elle n'a rien à dire. Et elle ne dira rien.

L'éducation de Jane ShawOù les histoires vivent. Découvrez maintenant