Elle était tombée, victime d'une IA aux yeux de qui elle était un virus à combattre. Quatorze mois de détention, perdue dans les méandres de son esprit, de ses pulsions violentes et d'une douleur qu'elle n'avait su surmonter.
Elle serait libérée.
E...
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La conscience d'une présence réveilla Root. Elle ouvrit les yeux tous les sens en alerte. La chambre était plongée dans une profonde obscurité, seule brillait par les interstices des volets une légère lumière. La lune. Root se rappelait qu'elle était gibbeuse, presque pleine, et que le soir, quand elle était montée dormir le ciel était dégagé.
Elle reposait couchée sur le flanc gauche. Complètement sourde. Elle bascula sur le dos, imitant le mouvement d'une dormeuse, gémissant légèrement pour le rendre plus crédible. Maintenant elle l'entendait. Oppressée, rapide. Une respiration habitée par l'angoisse et la peur. Elle chercha à localiser la position de sa propriétaire dans la chambre. Sur sa droite ? Root se tourna vers la droite. Oui. Elle était assise par terre près de la porte. Comme les autres nuits. Au même endroit. Elle attendit, ses yeux tentant vainement de percer l'obscurité. Peu à peu la respiration s'apaisa, Root l'écouta perdre minute après minute de l'intensité jusqu'à ce qu'elle ne la distingue presque plus, qu'elle se fonde dans le silence de la nuit. Root attendit, elle savait que bientôt, Shaw se lèverait, ouvrirait la porte et partirait. Comme à chaque fois. Depuis presque trois semaines. Et comme à chaque fois après son départ, Root sentirait ses larmes monter, couler, relâchant la tension après être restée sans bouger, sans parler, parfois pendant plus de deux heures. C'était insupportable.
La première fois, Root s'était réveillée apeurée et avait allumé sa lampe de chevet, le temps de se retourner, il n'y avait plus personne. Elle s'était levée et s'était rendue dans la chambre de Shaw. Elle l'avait trouvée allongée dans son lit, tournant le dos à la porte. Elle respirait difficilement et le contrôle qu'elle s'efforçait d'exercer sur elle-même ne faisait qu'aggraver la situation. Root indécise s'était doucement approchée. Shaw n'avait pas bougé. Root savait qu'elle ne dormait pas. Elle avait résisté au besoin de la toucher et elle était restée debout à côté du lit, attendant. Rien n'était venu. Elle était retournée se coucher. Inquiète. Déprimée. Perdue. Une heure plus tard, la porte s'était de nouveau ouverte. Le sommeil fuyait Root et elle l'avait entendue revenir, s'asseoir par terre, la respiration toujours aussi erratique. Cette fois, Root n'avait pas allumé, elle ne s'était pas levée, espérant que Shaw viendrait à elle. Lui parle. Mais elle n'était pas venue et elle était restée silencieuse. Elle était restée plus de deux heures, deux heures et dix-sept minutes lui avait appris La Machine, puis elle avait regagné sa chambre.
Elle venait presque toutes les nuits depuis qu'elle pouvait se déplacer sans risquer de s'effondrer inconsciente sur le sol après avoir fait dix pas.
Root ne comprenait pas son attitude, ne savait pas quoi faire, comment réagir. Elle en avait parlé à John après que Shaw, pour la cinquième fois, fut venue dans sa chambre.
— Elle doit faire des cauchemars, vu ce qu'elle a l'air d'avoir subi, ils doivent être particulièrement horribles. Elle vient chercher du réconfort.
— Mais elle s'assied par terre dans le noir, elle ne dit rien, et elle repart sans avoir décroché un mot, sans... John... je...
— Root, elle se sent en sécurité près de toi, c'est pour ça qu'elle vient.
