Chapitre LXXV : les fantasmes de Jeremy

7 0 0
                                    

Shaw tapota impatiemment sur la cuisse de Matveïtch :

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Shaw tapota impatiemment sur la cuisse de Matveïtch :

— Trop de temps.

— Pas prudent, répondit le Russe.

Shaw se retint de le frapper. Cela faisait des heures qu'ils filaient ce maudit camion. Des heures que Root se trouvait à la merci de ces salopards, entre les mains du Chirurgien.

Elle se trompait. Les hommes de Samaritain s'étaient emparés de Root un peu moins d'une heure auparavant. Shaw l'eût su qu'elle n'en eût pas moins haï Matveïtch, qu'elle n'en eût pas moins regretté de lui avoir laissé les commandes de la Yamaha. Elle savait qu'il fallait mettre une certaine distance entre eux et la ville de Chihuahua qui regorgeait d'agents et d'alliés de Samaritain. Plus ils attaqueraient loin, plus ils auraient le temps de fuir hors de portée de Samaritain, de reprendre contact avec Athéna, de s'assurer grâce à son concours de gagner un lieu sûr, de retrouver les Russes et de s'occuper d'Alvarez. De se faire pardonner. Mais elle n'en pouvait plus d'attendre. L'état dans lequel elle avait retrouvé Alvarez l'avait plus durement touchée qu'elle ne se l'avouait. Penser au « S » scarifié sur le ventre de la jeune Mexicaine lui donnait la nausée. L'amenait à penser à Root. À transpirer. Elle avait dépassé le stade de l'angoisse. Shaw sentait qu'elle cédait à la panique. Un sentiment qu'elle avait vu briller dans les yeux de bien des personnes. Des soldats, des terroristes sur le point de se faire sauter, d'un père qui voyait son enfant perdre son sang, d'une femme qui la voyait sortir d'une salle d'opération l'air impassible et qui attendait un verdict qu'elle ne voulait pas entendre, d'un homme que Shaw avait torturé pendant des heures, qu'elle avait laissé souffler, pour revenir ensuite vers lui. La panique, un sentiment qui entraînait des réactions irréfléchies, stupides et imprudentes. Shaw le savait, Shaw s'en foutait. Elle ne voulait pas laisser Root entre les mains du Chirurgien, elle voulait descendre ce salaud, lui faire cracher ses dents, lui défoncer la gueule à l'aide de ses poings nus, déchaîner sa colère, la nourrir et l'apaiser.

De son côté, Matveïtch attendait prudemment que la route fût déserte. L'autoroute 45 comme la 16, n'était pas plus sécurisée qu'une simple route de campagne : deux fois deux voies, séparées par une bande d'herbe. S'ils tentaient quoi que ce fût et qu'une voiture se pointait en face, si une autre les suivait de trop près, ils auraient les flics ou l'armée au cul dans le quart d'heure qui suivrait. Il se rongeait les sangs lui aussi, mais le moment n'était pas venu de céder à l'impatience. La prudence s'imposait, tant pis si celle-ci lui vaudrait plus tard une balle entre les deux yeux. Il ne se faisait aucune illusion, il imposait sa décision à Shaw. S'ils arrivaient ensuite trop tard, si Root mourait, Shaw l'accuserait d'être responsable de sa mort. Elle ne lui pardonnerait pas. Il voulait uniquement que le maximum de personne s'en sortît. Mais peu lui importait, si son nom ne figurait pas sur la liste des survivants. Peu lui importait si un seul d'entre eux en réchappait vivant et si cette personne s'appelait Sameen Shaw. Parce que s'il devait n'y avoir qu'un survivant, ce serait elle, parce que Root aurait été victime du Chirurgien, lui de Shaw, et que, tous les autres, le Chirurgien y compris, seraient tombés sous les coups vengeurs de Shaw. Elle ne laisserait personne en vie. Ce qu'il avait appris d'elle par ses dossiers, par Anna, en la rencontrant, lui disait qu'une fois en marche, elle se transformait en une véritable machine de guerre. C'était ce genre de soldat qui passait à travers les balles, les explosions, qui survivait à tout sans qu'on sache comment, parce que, peut-être, une inébranlable soif de vivre, de vaincre, le maintenait en vie, parce qu'il possédait un instinct de survie jamais pris en défaut qu'il ne remettait jamais en question, qu'il suivait aveuglément et qui, à chaque fois, le sauvait de l'inévitable et le maintenait en vie.

La fille de Kaveh دختر کاوهOù les histoires vivent. Découvrez maintenant