Chapitre XCVIII : Une affection par-delà le virtuel

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 Elle avait toujours aimé la nuit même si sur le toit du Walter Reed les éclairages de l'hôpital tentaient de l'oblitérer

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Elle avait toujours aimé la nuit même si sur le toit du Walter Reed les éclairages de l'hôpital tentaient de l'oblitérer. Elle avait découvert la beauté exceptionnelle des nuits profondes sans lune où ne scintillait que la lueur vacillante des étoiles dans le Vermont quand elle était enfant. Son père l'avait initiée à l'astronomie. Mais ce que Shaw aimait peut-être le plus dans la nuit, c'était le silence. L'absence de gens. Ces gens qui bougeaient, qui parlaient, qui criaient, qui polluaient son environnement de leurs conversations creuses. Plus tard, son père l'avait emmenée dans le désert y contempler la nuit. Elle se souvenait encore de cette impression d'infini, d'immensité écrasante, de sa petitesse, de la vacuité des ambitions humaines qui poussaient les gens à désirer le pouvoir, à détruire des vies, à restreindre les libertés.

Au cœur de la nuit, Shaw se sentait en harmonie avec l'univers et elle-même. Elle avait la conscience extrême du miracle d'être en vie, de pouvoir contempler l'infini. De n'être qu'un grain de poussière au milieu de celui-ci tout en faisant partie intégrante de la création. En exerçant la médecine, elle contribuait à rétablir l'équilibre détruit de cette création par une maladie ou un accident. Comme soldat, elle avait combattu ceux qui répandaient la laideur, la souffrance et la haine. Comme agent du gouvernement à éradiquer ces mêmes gens. Comme agent d'Athéna à prévenir le mal, à protéger ceux qui en étaient victimes, peut-être même son combat avait-il toujours été de porter secours aux victimes. Du moins, c'était ce qu'elle croyait.

Elle inspira profondément. Elle eût aimé être seule à cet instant. Le corps assis comme elle contre le mur, jambes repliées, irradiait à quelques centimètres du sien. Shaw avait l'angoissante sensation qu'il l'appelait par tous ses pores. Un besoin d'affection et de soutien que sa propriétaire n'osait imposer à Shaw.

Par respect. Par amour.

— J'ai peur, avoua dans un souffle la jeune femme à côté d'elle.

Shaw ne répondit rien.

.

En sortant de chez Root, elle avait remarqué de la lumière sous la porte de la chambre de Maria Alvarez. Elle avait continué son chemin, s'était arrêtée cinq pas plus loin et avait commencé à se dévorer les doigts puis, elle était revenue sur ses pas. Elle avait frappé à la porte. Pas de réponse. Elle avait redoublé ses efforts pour s'arracher la peau du pouce droit jusqu'au sang, frappé trois nouveaux coups et doucement ouvert la porte. Alvarez assise devant son bureau, naviguait sur internet. Elle tourna un regard vide et fatigué vers Shaw.

— Sameen ?

— Vous ne dormez pas ?

— ...

La jeune juge détourna les yeux. Shaw avait eu le temps d'y lire une profonde angoisse et du désarroi. La chambre oppressait Shaw, les murs, le lit réglementaire. Pourquoi s'était-elle introduite chez Alvarez ? Elle se sentait mal, la déclaration de Root résonnait encore au fond de ses entrailles et les tordait cruellement. La lumière sous la porte d'Alvarez l'avait détournée d'une errance sans but. D'une fuite à travers les couloirs ou les jardins. Elle pensa repartir. Renonça. La jeune juge était courageuse, Shaw ne pouvait pas l'abandonner.

La fille de Kaveh دختر کاوهOù les histoires vivent. Découvrez maintenant