Chapitre XXX : Une femme à part

7 1 2
                                    


Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.


La place Shar grouillait de monde. Les fontaines chantaient gaiement, leurs eaux éclairées par des spots bleus, verts, jaunes ou rouges. La foule se pressait joyeuse et détendue. Des familles, des hommes seuls ou des petits groupes d'amis, des étudiants, pas de jeunes filles cependant, ni de jeunes femmes, sauf accompagnées. Quelques hommes portaient le costume traditionnel, pantalon bouffant gris ou brun, chemise blanche, petite veste et la fameuse ceinture longue de plusieurs mètres, nouée et arrangée simplement comme on la portait dans le sud ou plissée comme on la portait plutôt dans le nord. Pas de tenue traditionnelle féminine ici, un mois s'était écoulé depuis Nawroz et la nuit, il était rare de croiser une femme en tenue traditionnelle, trop gracieuse, trop élégante. Peut-être au parc Shanadar ou dans un Mall, mais pas sur la place Shaar. Il traversa la place, sourit comme à chaque fois, quand il dépassa un faux arbre en plastique illuminé. C'était kitch au possible, mais il aimait bien ces arbres ridicules. Ils participaient à l'ambiance de la place, à sa beauté lumineuse et gentille. Il avança entre les bassins, traversa la rue et se retrouva au pied du tertre sur lequel se dressait la citadelle.

Cette incroyable ville-citadelle. Impressionnante de jour, elle resplendissait la nuit. Les éclairages illuminaient les immenses façades des maisons qui formaient la fausse muraille, les hauts murs de briques blondes, soutenus par de gros contreforts, parfois décorés sur les hauteurs par des appareillages géométriques. Il s'arrêta un peu plus loin, en face du bazar et s'assit sur une chaise en plastique bleu pervenche, devant un table carrée de la même couleur. Un homme vint lui tendre une carte, il commanda un douzaine de petites brochettes, bœuf, foie, mouton et un Coca. La ville regorgeait de restaurants, mais il aimait ces petites gargotes et ces tables posées sur le trottoir, la simplicité et la gentillesse des gens qui les tenaient. La ville l'étonnait. Si paisible, si pleine de vie. Il y manquait un peu de visages féminins, mais là encore, il n'avait qu'à s'en prendre à lui même. Dans un Mall ou dans un restaurant plus select, il en aurait croisé et certainement de très belles. Les femmes ici, s'apprêtaient avec soin, leurs traits étaient fins et elles arboraient souvent de magnifiques chevelures.

Il pensa à Shaw. Elle possédait ce genre de cheveux. Elle devait les tenir de sa mère. Elle lui manquait parfois. Elle était le genre de personne en compagnie qui il aurait aimé passé cette soirée. Parce que Shaw n'eût pas parlé, mais qu'elle eût été présente. Il était venu seul parce que les Kurdes qu'il connaissait profitaient de leur famille et qu'il n'avait pas trouvé de camarade américain qui se sentît à l'aise au milieu d'une foule comme celle qui se pressait ce soir. La plupart des gars ou des filles, des militaires qu'il fréquentait se sentaient étrangers ici, en danger, ou pire, ils méprisaient la population et ne cessaient de se plaindre. Sans compter la suspicion qu'aurait fait naître la viande, les mains du cuisinier pourtant propres, les tables ou les chaises. Il avait définitivement renoncé à sortir avec ce genre de camarades, le jour où il en avait vu un refuser un verre et boire à la bouteille de peur d'attraper des microbes. Il avait eu honte et son sourire désolé n'avait pas effacé l'air offensé du serveur. Sans compter les commentaires... Ces crétins oubliaient aussi trop souvent que l'anglais était une langue d'échange couramment parlée aux quatre coins du globe, qu'ils n'avaient pas la chance de parler le thaïlandais ou le gaélique : les gens les comprenaient et se retournaient quand ils s'exprimaient avec suffisance et dédain.

La fille de Kaveh دختر کاوهOù les histoires vivent. Découvrez maintenant