Ch 2 : La tâche hardie des messagers

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« Yuan Lie, tu vois bien ce qui se passe depuis deux jours, n'est-il pas ? Nous sommes tous assiégés ! C'est toi-même qui nous a confirmé cette information.
— Oui Shizun.
— Nous nous tenons au bord d'un étrange précipice. Nous sommes à la veille d'une guerre de clans qui n'a pas son pareil..., souligna Zhu Yazhu à son tour. Et bientôt nous serons à court de temps.
— Nos communications sont bloquées, expliqua le maître à son disciple. Que ce soient nos canaux traditionnels ou ceux qui utilisent l'énergie spirituelle. Aucun messager, aucun espion ne parvient à quitter le Pavillon. Ceux qui ont pu partir ne sont toujours pas revenus et depuis l'attaque, je n'ai reçu nul message des autres clans. Toutes les méthodes de divination sont brouillées par la quantité de créatures spirituelles que nous décimons et qui perturbent l'air. L'ennemi nous isole les uns des autres dans l'espoir d'empêcher toute connivence pour qu'il n'y ait pas concertation, ni rébellion.
— Bien triste !, rétorqua Zhu Yazhu, saisissant sa balle une dernière fois avant de la poser sur la table. C'est exactement ce que nous allons faire ! »

Yuan Lie observait attentivement ses aînés. Tous deux semblaient âgé d'une quarantaine d'années, bien qu'en réalité, leurs vrais âges frôlassent les alentours d'une centaine et quelques poussières d'années. Vêtu de leurs robes de fonction traditionnelles de la couleur verte du bambou, ils étaient tous deux assis autour d'un reste de thé froid posé sur la table de granite recouverte de cartes et de rouleaux déployés qui la tapissait de long en large.

Le grand salon semblait construit autour de cette table pesante, or l'atmosphère qui se dégageait de la pièce respirait étonnement la pureté et la simplicité grâce aux murs recouverts de laque brillant et qui portaient de simples banderoles calligraphiées de vers d'un poème en hommage aux paysages des saisons. Dans un coin, un discret décor floral posé sur une table basse - des orchidées, des fleurs aussi nobles que pures - parfumait la pièce sereinement. Ce minimalisme offrait un calme et une manière d'échapper au tumulte à l'extérieur. Dans l'embrasure des fenêtres, les écrans en lins suspendus qui tamisaient la lumière vive du soleil dans la journée avaient été relevés et laissaient entrevoir les flashs et les jeux de lumière qui se déroulaient dehors.

Durant toute la nuit, les junzis avaient compté une trentaine de vagues d'assaut, bien qu'à présent, les Mo restaient immobiles, comme s'ils s'étaient tous endormis sur place. Hormis certains qui montraient les dents, les Mo ne se défendaient ni n'attaquaient plus du tout.

Les Trois Grands Royaumes étaient divisés en trois mondes : au centre, se trouvait le Monde Mortel tel un noyau dur. Puis autour du monde des hommes, se situait le Monde Céleste, qui était un lieu entre deux eaux existant en opposition. Enfin, l'univers inconnu et mythique des esprits les englobait tous deux. Le premier, peuplé par l'homme, la faune et la flore, le second par les démons et les immortels, et enfin le dernier, par les êtres spirituels et les esprits. Un équilibre régnait entre ces trois royaumes qui communiquaient et s'influençaient mutuellement dans un parfait équilibre.

Les Mo étaient les rebuts résultant de la coexistence des mondes. Ils ressemblaient à des monstres et d'effrayantes créatures, des nuisibles dangereux qui provoquaient effroi et désolation chez les humains qu'ils terrorisaient. Jamais deux Mo ne se ressemblaient, mais cela ne les empêchait pas d'arborer une atroce laideur et de montrer la même cruauté. Leurs tailles pouvaient être aussi grosses qu'un sanglier, un taureau, ou même semblable à l'éléphant de Tumasik* qui avait fait escale au port une fois.

Le chef de famille se redressa sur sa chaise, révélant le fier bambou qu'il était et se leva pour faire quelques pas, les mains dans le dos. Zhu Yazhu portait la même baguette de cheveu d'or que son fils, étant également l'ainé de sa fratrie. Son allure était élégante, sa démarche assurée, il était l'incarnation du junzi admiré. Au premier coup d'œil, il donnait l'impression de n'avoir rien à faire des autres en dehors de sa personne, qu'importe leurs problèmes ou que le monde soit en flammes. On le disait intolérant, mais c'était simplement parce qu'il aimait que les choses soient bien faites et n'hésiterait pas à insister si une chose ne lui plaisait pas. Combien de fois des langues de vipères dirent de lui qu'il n'était qu'un chef de famille cupide, préférant l'argent et son commerce à son rôle de père qu'il déléguait à son second ?

Une Seconde ÉternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant