Ch 38 : Soleil Froid

123 18 21
                                    

La lune était haute dans le ciel. Zhu Yaling s'était assoupi sur le toit en écoutant la douce mélodie mélancolique et légère du zhonghu.

L'intrus s'était éloigné à quelques zhangs d'eux et s'allongeait maintenant dans l'herbe. Il mâchouillait un brin d'herbe en admirant le ciel étoilé, son regard perdu dans le vague. Il venait tout juste de changer ses plans. Après avoir renversé les renforts et les alliés du clan Yu dans le Sud et dans l'Ouest pour dévier l'armée Yu de ses plans initiaux, il s'était par la suite dirigé au Nord où stationnait l'armée de l'alliance des clans Zhu et Qian, car il savait que Yu Zhaocai prévoyait de les attaquer le troisième jour.

Au départ, l'intrus était simplement curieux de ce que faisaient les troupes de ce camp-là et il n'était venu que pour voir ce qui s'y passait, se disant qu'il irait ensuite tuer ceux à Croissant d'Oasis par la même occasion. Sans exagérer sa force ou ses capacités, il pourrait cette nuit même, avant qu'elle ne tire à sa fin, nettoyer le palais du Croissant d'Oasis entièrement. Il était capable d'apparaître où il le voulait, s'il le souhaitait, il n'aurait qu'à brandir son sabre et le tour était joué. L'armée de l'alliance n'avait plus besoin d'aller les combattre.

Or, Qian Jingliu voulait expressément que Zhu Yaling entre en premier au palais du Croissant d'Oasis et les chefs des rebelles ne désiraient pas renverser, mais libérer le clan Huang. Il devait donc y avoir une bonne raison. Cela le rendait curieux. L'intrus était étonné de sa propre décision. Il ne décimera pas Croissant d'Oasis. Après tout, ce n'était qu'une guerre d'humains, qu'en avait-il à faire ? Il n'y en avait qu'un seul qui l'intéressait : Yu Zhaocai.

Son esprit vagabondant ainsi vers un nouveau but, il entendit siffler une fine lame froide et sentit soudain un fil humide qui se posa sur sa carotide. S'il bougeait d'un cheveu, la lame lui trancherait la gorge. Des cheveux lui tombèrent dans les yeux, une douce odeur de vin dans une respiration chaude lui balaya le visage, talonné tout de suite par l'effluve d'un parfum de mousse de chêne. L'intrus ouvrit les yeux et croisa ceux de Qian Jingliu penché au-dessus de lui, son épée tranchante dans les mains, dirigée sur lui.

Malédiction ! L'espion s'était matérialisé sans s'en rendre compte pendant ses réflexions ! Pire, il s'était mis à fredonner gaiement avec le son du violon !

Il pouffa pour s'empêcher de rire. Heureusement, il était un démon et en un whoosh, disparut instantanément.

« Oï, tadaïma* ! Je suis rentré, Ling-kun* ! » fit une voix malicieuse dans les oreilles de Qian Jingliu, le faisant bondir comme un chat effrayé.

« Montrez-vous ! » avertit Qian Jingliu en lançant immédiatement un sort pour piéger cette chose.

Dans la plaine des hautes herbes, une pleine lune géante brillait fièrement dans un ciel sans nuage. L'inconnu montra son visage railleur, porteur d'un sourire mutin ravageur en coin, vêtu d'un kimono rouge et sombre qui dévoilait un tatouage de dragon.

Le visage de Qian Jingliu se déconfit sur-le-champ. Les mots trébuchèrent sur ses lèvres :
« ... Yuan... ? Yuan Lie... ?? »

L'inconnu posa un poing sur la hanche qui ne portait pas de sabre et fit un déhanché. Il lui répondit d'un air enjoué :
« Nous ne nous nommons pas ainsi !
— ..... »

Qian Jingliu le regardait avec des yeux mortifiés.
« Tu es peu bavard, commenta l'intrus.
— Quel est ton nom, démon ?
— Ce n'est sûrement pas 'Démon'...Humain. »

Une autre épée surgit dans le dos du démon : Zhebi ! Zhu Yaling avait remarqué que le zhonghu s'était arrêté de jouer et avait couru auprès de Qian Jingliu.

L'étranger fut distrait et tenta de disparaître à nouveau, mais il fut moins rapide que Qian Jingliu.

L'intrus fut touché de plein fouet par une lame de vent qui sortit du zhonghu ! Qian Jingliu avait enduit son instrument avec un talisman d'entrave et de son propre qi interne, puis il avait lancé le sort en faisant vibrer les crins. La musique fracassante du zhonghu qui retentit, lança une onde de choc déferlante qui se heurta contre le corps de l'inconnu avant qu'il ne puisse cligner une fois ses yeux. Il reçut le coup du son sur sa peau aussi durement qu'un coup de fouet, il recula de trois pas.

Une Seconde ÉternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant