Une Seconde Éternité

Ch 3 : L'agneau dans la tanière

Accroupis au coeur d'une vallée, occupés à cueillir des plantes et des racines médicinales pour leur maître alchimiste, Yuan Lie demanda à Zhu Yaling, d'un air curieux :

« Shixiong, avez-vous déjà écrit à Xiujun Qian ?
— Pourquoi lui écrirai-je ? », demanda Zhu Yaling d'une voix blasée.

Zhu Yaling possédait un visage fin et élégant en forme de diamant, au teint opalin. Il portait l'allure fier d'un noble avec l'expression rusé et calculateur d'un teneur de commerce. L'héritier ressemblait à un jeune qui transpirait un air de vieux renard, à la fois avec une noble prestance et une élégante apparence, sûrement dû à son sourire charmeur. Ses élégantes robes avaient leurs manches attachées et serrées par un cordon de chanvre autour de ses avant-bras. Des poils de chat étaient parsemés sur sa tenue et sur son épaule, car un chaton qu'il avait recueilli se faisait les dents sur la broderie de son col.

« Je lui ai écrit une lettre et j'allais la lui envoyer quand j'ai appris par shizun que vous partiez pour la Tour d'Eau. N'avez-vous jamais écrit à Qian Jingliu ? Pourquoi ? »

Zhu Yaling gifla l'épaule de Yuan Lie avec une branche d'ortie.

« Pourquoi devrais-je lui écrire ? Oublies-tu où est ta place pour oser l'appeler aussi familièrement ?, réprimanda Zhu Yaling en le frappant, se fichant bien d'écorcher le beau visage de ce dernier.
— Pardon si je vous ai offensé shixiong !, ajouta vivement Yuan Lie en se protégeant avec sa manche, mais tout le monde répète que Qian Jingliu est un homme hors pair et qu'il est extrêmement brillant. Vous dites qu'il se comporte avec une élégance impeccable et qu'il est d'un raffinement unique en son genre, qu'il préfère cultiver l'esprit et le coeur. Alors, dites-moi shixiong, comment devrais-je l'appeler ? »

S'il voulait être conforme à l'étiquette, Yuan Lie aurait dû s'adresser à Zhu Yaling en tant que 'Xiujun' et puisque Shen Shuwen n'avait aucun disciple à part l'héritier auparavant, personne ne l'avait jamais appelé 'shixiong'. Son proche ami étant Qian Jingliu, Zhu Yaling était au fait que tous les jeunes disciples du clan tigre l'appelaient 'shixiong' à sa demande (1). Alors, lui qui n'avait personne l'appelant ainsi, fut au fond, vraiment content que Yuan Lie s'adressât à lui de la sorte.

« Pour toi, c'est Jueye Qian !
— Jueye Qian ?, répéta Yuan Lie, son regard se perdant dans le vague. En êtes-vous certain ? Seuls ceux de son clan l'appellent de cette manière. Je ne fais pas partie des siens.
— C'est un salut pour ceux qui veulent lui témoigner le plus grand respect. Pourquoi dois-tu lui écrire après tout ? As-tu besoin de ses talents d'alchimiste ?
— J'ai une chose à lui dire. Je mentionne bien 'alchimiste', en effet... quelque part. Et vous, vous n'avez jamais écrit à Xi... Jueye Qian ?
— Ce n'est pas la première fois qu'il forge son caractère en isolement. S'il m'est nécessaire de lui parler, je vais directement le voir. Il est reclus, je doute qu'il puisse même te répondre. Oublie cette idée, il n'a pas de temps pour tes lettres. Si tu as quelque chose à dire, dis-le-moi et je verrai bien si c'est vraiment utile à lui communiquer. »

Yuan Lie s'était senti piqué dans son estime. Il avait esquissé un tic d'agacement, ses sourcils s'étaient froncés et défroncés plusieurs fois. Il avait rétorqué sur un ton acerbe :

« Ayo, je me suis trompé lourdement, shixiong. Je n'avais pas compris que vous tendiez ainsi de tout votre coeur* vers lui, mais veuillez bien croire que ce n'est pas une plume d'oie envoyée de loin*. Quand vous verrez Jueye Qian, dites-lui juste que je suis devenu votre shidi aujourd'hui ! »

Parce qu'il n'était pas certain si Yuan Lie l'avait insulté ou pas, Zhu Yaling ne lui servit qu'un regard amer.

Zhu Yaling parti, Yuan Lie envoya malgré tout sa lettre à Qian Jingliu. En changeant le titre, il l'adressa au : « Jueye Qian, Vénérable Faiseur de Pluie, Alchimiste Première Classe, Qian Jingliu. »