Ch 10 : L'orage va s'abattre

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D'un gracieux mouvement de sa main, le duc Qian Qi tapota la table du bout de son éventail pour commander l'attention et rétablir le calme. Sans devoir élever la voix, tous entendaient ses paroles aussi clairement que s'ils se tenaient à cinq pieds de lui.

« Mon fils Qian Jingliu représentera le clan Qian de la secte Tigre Blanc. Il chevauchera vers le Nord pour rallier la branche secondaire des Yeux Noirs, celle qui s'appelle la secte Carapace Noire. Ils représentent de précieux alliés et ils possèdent une grande armée. Non seulement, nous gagnerons des soldats dans nos rangs, mais j'ai bon espoir que si nous les enrôlions, nous serons plus aptes à venir en aide à la famille Huang.
— Je vous remercie Houye » répondit Qian Jingliu.

Il s'inclina devant son père avec élégance. Sa silhouette, même baissée, semblait capable de supporter les cieux et la terre. Il attirait l'attention et l'admiration des cultivateurs et tous le contemplaient avec un air empreint de respect, sachant pertinemment que le jeune homme allait s'engager dans une mission des plus dangereuses, avec peu de chance de réussite et sans grands profits à la clé pour lui. En somme, c'était un aller simple pour rencontrer la mort. C'était pourquoi, à l'instant même où il acceptait cette mission, un silence électrique se fit sous la tente. Les autres membres du clan Qian faillirent s'étouffer avec leurs langues et ouvrirent de grands yeux épouvantés à l'idée de laisser leur jeune seigneur bien-aimé, à peine sorti d'une réclusion de quatre ans, traverser seul les routes et les contrées infestées de Mo avec seulement un châle d'étoiles jeté sur les épaules et la lune pour chapeau. Plusieurs n'hésitèrent pas à protester.

« Houye ! Pas notre jeune seigneur !
— Il y a trop de dangers !
Houye veuillez reconsidérer ! »

Yuan Lie pensa, '' Même si cette idée fait tressaillir, Qian Jingliu reste le meilleur choix pour représenter le duc et les Tigres ne pourront pas contester un ordre de leur Houye.''

Qian Qi œuvrait pour la sérénité et il préférait les arts de la peinture ou du jardinage aux conventions sociales ou toute forme de combat. Il laissait souvent les affaires courantes de la Tour D'Eau entre les mains de sa fille Qian Xiuying et de son gendre, préférant s'adonner à peindre des aquarelles de cascades et des fleurs d'orchidées. Mais en dépit de l'apparence détachée qu'il pouvait démontrer, il restait le maître absolu et seigneur de la Tour d'Eau. Nul n'est supposé remettre en doute ses décisions ou le contredire.

« C'est donc décidé, Duc Qian !, intervint Zhu Yazhu sur un ton plus joyeux. J'ai foi en tes décisions et tu es bien capable de commander une si grande armée à toi seul ! J'irai dans ce cas au pays de Baiyue pour rallier le clan des Grands Karsts à notre cause.
— Père, je vous en prie ! Permettez-moi d'y aller à votre place ! » contesta Zhu Yaling qui s'était faufilé jusqu'aux premiers rangs où se tenaient ses oncles et cousins, à l'instant où Qian Jingliu s'était proposé pour la mission.

Il s'était placé exprès dans le champ de vision de son père en attendant sa chance.

« Shengren Zhu !  C'est à moi de vous remplacer dans cette tâche !, réfuta son second à son tour, lâchant l'épaule de Yuan Lie pour s'avancer également vers l'avant.
— Tu dis n'importe quoi Zhangmen Shen ! Le Faiseur de Feu reste ici car c'est ici qu'on a besoin de notre maître de secte. Shengren Zhu ! Grand Frère*, ne les écoutez pas !, protesta Zhu Xueren. C'est à moi, votre frère, de prendre votre place pour faire ce voyage !
Shizun, je suis prêt à me sacrifier pour cette quête ! Le devoir m'incombe d'y aller à votre place ! » objecta son disciple de manteau Zhu Feng, en tirant son cousin Zhu Yaling derrière lui pour prendre sa place.

Oubliant leurs sens de courtoisie, les membres du clan Zhu se mirent soudain à se chamailler et à brailler les uns plus fort que les autres, sur qui d'entre le beau-frère, le fils, le frère, le neveu, ou un autre cousin, devrait prendre la place du chef de clan dans cette entreprise. Leur sens de loyauté et de sacrifice pouvait parfois être excessif et huit fois sur dix, plutôt comique à regarder.

Une Seconde ÉternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant