Ch 20 : Trouver le soleil en pleine nuit

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Suivant leur plan, en attendant la tombée complète de la nuit, Qian Jingliu coiffa ses cheveux, refit ses tresses au-dessus des tempes et ajusta sa fameuse coiffe autour de son chignon. L'ornement finement sculpté, fait d'ivoire et taillé sur toute sa forme, était le Chrysanthème de Givre. Elle avait la forme de la fleur de chrysanthème à deux feuilles. Cette parure raffinée était un symbole qui représentait, à elle seule, son rang et son statut au sein de la noble famille Qian. Toutes les anciennes et prestigieuses familles de cultivateurs perpétuaient la tradition du bijou de famille pour leurs héritiers.

Les deux compagnons attendirent la nuit, puis parcoururent le chemin de la vallée en silence. L'absence de Mo autour de la ville n'était pas anodine. Seules les villes des sectes que le clan Yu voulait conquérir étaient encerclées, ce qui signifiait que la ville était déjà tombée sous les Yu. Devant les portes de la ville, à quelques pas de deux braseros, il n'y avait que deux gardes à l'extérieur qui gardaient l'entrée. Pour autant, le passage n'était pas sous leurs protections seules car les murs épais étaient suffisamment larges pour permettre à quatre personnes de tenir et de marcher côte à côte sur toute sa longueur. En haut des murs, le nombre de gardes était certainement plus important, sans compter la barrière de la ville mise en place qui suffisait à elle seule d'empêcher n'importe quel intrus d'entrer ; ce qui expliquerait pourquoi les deux gardes de l'entrée jacassaient glorieusement entre eux dans leur patois local.

Un garde s'éloigna pour aller se soulager derrière un buisson. À peine baissa-t-il son froc qu'il sentit la pointe froide d'une épée qui se posa sur son dos, puis le timbre calme du son de la pluie lui parler à voix basse :

« Retiens-toi et remonte ton pantalon, ou je te tue sur-le-champ. Mène-nous sous la barrière et je te laisserai la vie sauve. »

Le soldat, un jeune homme grassouillet, renifla et grogna sous la surprise. Cette voix si soudaine et grave comme l'orage, lui avait fait tellement peur qu'il manqua d'uriner au moment où il l'entendit. Quelque chose de plaisant dans cette voix lui donna une furieuse envie de se soulager et de se relaxer comme quand on regarde tomber la pluie interminable, à l'abri derrière le treillage d'une persienne, mais l'orage qui y couvait contenait la présence d'une tempête furieuse que le garde ne négligea pas. Il lui fallut rassembler toute sa volonté pour se retenir et pour ranger son attirail à sa place. Parce qu'il dut lutter contre l'appel de la nature de tout son être, il devint extrêmement docile et les mena sous la barrière avec son passe. À son autre compère qui aperçut trois silhouettes approcher et qui posait déjà la main sur son épée, le premier garde lui cria de ne rien faire d'extraordinaire mais de simplement leur ouvrir les portes.

Ensemble derrière l'otage, ils continuèrent d'avancer vers les murs de la citadelle. Ils franchirent la porte à pas lents et pénétrèrent enfin dans la ville. Le temps de faire quelques pas seulement sous l'arcade du mur, ils tombèrent nez à nez sur des soldats armés jusqu'aux dents. Avant même de prononcer un mot, ils furent faits prisonniers par un filet Larmes du Pleureur. C'était un filet d'annihilation qui bloquait la circulation du qi, et de facto, leurs pouvoirs spirituels et leurs mouvements.

« Leur temps de réactivité est impressionnant », remarqua Yuan Lie.

La ville n'était pas envahie par une armée de monstres, pourtant, ils étaient sur leurs gardes vis-à-vis des étrangers et des rôdeurs. Sur le moment, les deux prisonniers furent incapables de se défendre à cause du filet.

Entourés de gardes en armures et plastrons, ils ne purent guère voir la ville derrière eux. On les bâillonna et on enfourna un sac noir sur leurs têtes et ils ne virent plus rien du tout. Ils furent jetés à dos de cheval et transportés jusqu'à un endroit qui se trouvait à au moins un bâton d'encens de marche. Durant ce trajet, ils purent clairement entendre le bruit d'une ville qui ne dormait pas encore. Des voix criaient aux enfants qui jouaient dans la rue de rentrer, les appels de quelques marchands ou l'odeur de mets chauds qu'on cuisinait dans la rue essayaient d'attirer les derniers clients, des chariots et quelques calèches passaient à côté, et au moment où ils semblaient s'éloigner de la partie citadine, les cris et les voix furent remplacés par le son de métal qu'on forgeait au marteau, le bruit de sabots des chevaux sur les pavés et des pas alourdis de quelques files de troupes qui marchaient de manière ordonnée.

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