Ch 31 : Murmures...

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''Ling...''

''Ling...''

Un murmure qui flottait dans les airs crépita aux oreilles de Yuan Lie puis disparut en niant son existence éphémère. Plongé dans le noir, il sentit une légère brise fraîche souffler sur son visage. Il la respira à plein nez, son buste se souleva sous l'expansion de ses poumons, mais il s'étouffa et s'étrangla aussitôt. Le souffle coupé, il se mit à tousser et à recracher une grosse gorgée d'eau qu'il avait gobée. Un garde du clan Yu lui avait envoyé un seau plein d'eau qu'il avait pris pour du vent, juste à l'instant.

''J'ai froid.''

L'eau était froide. Il se sentit soudain grelotter. Une sensation qu'il n'avait pas ressentie depuis des années. Sa tête pesait une tonne et lui faisait mal. Revenant peu à peu à lui, il comprit qu'il était en mauvaise posture.

Yuan Lie cligna des yeux. Il avait du mal à les garder ouverts. Il se trouvait dans une salle plongée dans la pénombre. Des silhouettes allongées, des ombres fantomatiques qu'il ne parvenait pas à distinguer, se tenaient près de lui. Elles discutaient entre elles.

Yuan Lie ne savait pas où il était, ni depuis quand il était là. Son esprit embrumé était incapable de se fixer sur un mot ou une syllabe. Il goûta sa langue gonflée et fut envahi par un goût de fer dans la bouche. Du sang. Il bougea les doigts, puis les orteils. Petit à petit, il sentit les autres parties de son corps se réveiller.

Une douleur autour de ses poignées et de ses épaules lui fit comprendre qu'il était toujours suspendu par les poignées.

''...Toujours ?'' Ce mot envoya un frisson le long de sa colonne vertébrale. ''Depuis combien de temps suis-je là ? Où suis-je ?''

Yuan Lie avait été capturé depuis des jours, des semaines ou des mois. Il ne pouvait le dire. Il avait perdu la notion du temps, mais il se rappela qu'il avait été emmené en dehors de Yongdi pour être interrogé tous les jours. Des hommes l'avaient ligoté et jeté dans une malle tellement petite et inconfortable qu'il lui avait été incapable de s'asseoir ou de se redresser.

La malle était recouverte de talismans et de sceaux d'annihilation. Autant de sceaux, destinés certainement à Kaze, mais pourquoi fut-il celui qui y fut enfermé ? Il avait voyagé dans cette position affreusement inconfortable, secoué et ballotté pendant des jours, sans boire ni manger. Puis il avait été porté dans ce sous-sol et suspendu pour être battu comme du bétail mort plusieurs fois par jour. Qu'était-il arrivé à Kaze, il ne le savait pas.

Le corps ligoté par des cordes trempées dans de l'urine d'immortels, il n'avait mangé que trois fois depuis sa capture. Son seul apport en eau était les seaux d'eau froide que les gardes utilisaient pour le réveiller ou le torturer pendant leurs interrogatoires. Ils ne lui posaient que des questions sur le Patriarche des Enfers. Tout le temps.

Ils voulaient savoir comment il avait fait pour que le démon soit à son service. Jamais ils ne lui ont posé une seule question sur la rébellion ou même sur l'armée de la coalition entre les Qian et les Zhu.

Évidemment, Yuan Lie demeurait aussi silencieux qu'une tige de bambou d'eau. Son corps pouvait grincer, plier, mais il ne casserait pas. Chaque jour, il était battu et torturé de diverses manières par les geôliers. Ses bourreaux avaient une panoplie de tortures qu'ils testaient sur lui, si tant qu'à présent, la vision de son corps ferait pleurer de chagrin. Il était couvert de plaies béantes encore saignantes, attirant les mouches à se poser dans ses blessures pour pondre leurs œufs, se restaurer, se frotter les pattes ou pour y nettoyer leurs petites ailes.

Son corps était suspendu par les poignées au-dessus de sa tête et ses chevilles attachées ensemble. Il n'avait plus de force ni assez d'énergie pour soulever le poids de sa propre tête. Ses cheveux relâchés et tombant devant son visage le ferait paraître tel un épouvantail sans vie, si ce n'était qu'à chaque inspiration, ses plaies se rouvrait et lui extirpait quelques geignements. Il ne portait que son sous-vêtement du bas, le tissu trempé, tâché par sa propre crasse et déchiré de part en part qui lui collait aux cuisses et dans ses plaies à cause du sang qui y avait coagulé. La pire sensation qu'il ressentait en dépit de toutes ces souffrances, était la pression atroce sur la tête.

Une Seconde ÉternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant