Ch 5 : S'il veut la guerre

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Dans une lettre signée par celui que Zhu Yazhu désignait comme un « fou insensé », Yu Zhaocai laissait trois jours aux dirigeants des sectes pour se rallier aux Carpes Jumelles ou de courir le risque de subir les conséquences de sa fureur. Yu Zhaocai se disait si puissant qu'il défiait toutes les sectes en une seule fois. Passé ce délai, la lettre comprenait également une menace d'isolement et des assauts incessants de Mo et de Yao jusqu'à la destruction totale de la résidence assiégée. Dès lors, le Double Tranchant de l'Est s'était penché sur un plan d'action, et voilà ce qui avait amené Yuan Lie à se retrouver devant le duc de Yelang.

« Les Chutes Blanches ont été envahis par des Mo et des Yao et nous avons le même symbole qui trône sur nos têtes, expliqua le duc Qian Qi en se dirigeant vers son fauteuil officiel. Nous avons pu protéger notre demeure et nos familles, mais nous sommes des cultivateurs... Nous savons que ce n'est jamais bien de tuer autant de créatures spirituelles, il en va de l'équilibre entre les Trois Mondes. Mon fils le sait aussi, n'est-ce pas fils ? »

Qian Qi marqua une pause pour s'asseoir et relire la lettre qu'il venait d'écrire en s'éventant avec un éventail blanc aux dessins de fleurs d'orchidées.

En voyant ces fleurs, le coeur de Yuan Lie se serra légèrement. Yuan Lie détourna les yeux du duc pour fixer une peinture sur soie avec ces mêmes fleurs accroché sur un mur. Ils se trouvaient dans un grand salon où le duc, sur son fauteuil en bois de rose, était la pièce centrale, répandant son éclat et sa sagesse à tous ceux qui venait le consulter. Le salon foisonnait de lumière grâce à des lampes en bronze suspendues et de la senteur fraîche des fleurs d'orchidées disposées dans des vases en faïences bleus et blancs et dans des paniers tressés accrochés au plafond.

« Jeune maître Yuan, comment êtes-vous arrivé jusqu'ici ? » demanda soudain le duc.

Le junzi esquissa nerveusement un tic de sourire et répondit :

« J'ai un moyen de me déplacer rapidement d'un endroit à l'autre Gongzi, mais il semble que je sois le seul capable de l'utiliser.
— Alors que nous sommes tous privés de sortir et que nous sommes cloîtrés comme des bêtes, vous arrivez à vous déplacer d'est en ouest en un claquement de doigts ! Est-ce grâce à votre ami ? »

L'ami insinué, il le savait, était Kaze.

Ainsi qu'il l'avait deviné, le duc Qian Qi savait depuis longtemps que le clan Zhu 'hébergeait' le maître du redoutable Patriarche des Enfers. Évidemment, quand Qian Jingliu découvrit son secret (1), en tant que fils d'un duc et l'héritier d'un chef de clan, il était de son devoir de partager cette information cruciale avec son père. Kaze n'était pas chose que n'importe qui prenait à la légère.

Pourtant, aucun des deux clans qui apprit le secret de Yuan Lie ne le révéla à quiconque, ni n'entreprit quelque action pour tenter de les emprisonner ou de les éliminer. Yuan Lie n'avait pu trouver qu'une raison à cela. C'était qu'ils ne pouvaient tout simplement pas le faire ! Sinon, ils l'auraient tenté depuis longtemps, non ?

Sans doute ne voulaient-ils pas jeter le monde entier dans la panique en révélant sa libération et allumer la mèche qui relancerait les milliers de guerres qui avaient été déclenchées contre Kaze au nom des immortels. Dès lors, le mieux que le clan Zhu pouvait faire dans cette situation était de garder Yuan Lie et Kaze en les cachant aux yeux de tous jusqu'au jour où la secte trouverait une solution pour s'en débarrasser ou jusqu'au jour où le duo pourrait leur servir. Et ce jour était enfin arrivé.

Yuan Lie acquiesça :

« En effet, Gongzi. »

Yuan Lie lisait attentivement les expressions du duc Qian Qi. Le junzi observait les gens quand il était en mission et s'exerçait à tenter de comprendre leurs pensées et leurs réelles intentions. Des qualités que lui enseignait son shizun à la secte, à défaut de lui enseigner l'alchimie. L'alchimie n'était que le hobby auquel Shen Shuwen aimait s'adonner et qu'il n'enseignait à personne d'autres qu'à ceux qu'il jugeait dignes et méritants, c'est-à-dire Qian Jingliu uniquement. Zhu Yaling étant appelé à diriger le Pavillon du Bambou un jour, l'alchimie ne lui était d'aucune utilité, ni d'aucun intérêt.

Une Seconde ÉternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant