Ch 39 : Océan de sable

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Quand on imagine un désert, on visualise souvent un océan de sable cuisant sous un soleil de plomb et sans âme qui vive. Croissant d'Oasis était l'exception qui dérogeait à la règle. Au nord de la région Shazhou, se trouvaient une cité et sa ville opulente construites dans le désert. Les murs protégeant la ville étaient érigés hauts pour ralentir l'avancée du sable et seul en passant par les larges portes imposantes de la cité permettait de pénétrer en ces lieux.

La légende disait qu'il y avait auparavant à cet endroit, le palais somptueux et les jardins luxuriantes d'un Immortel qui, envahit par l'orgueil, s'en était pris au monde des esprits. Alors pour le punir, le Monde Astral lui envoya un animal spirituel qui s'ancra en lui. Pour l'Immortel, ce fut une malédiction. Il se transforma en une horrible créature marine mangeuse d'hommes, tandis que sa belle demeure et ses beaux jardins aquatiques furent submergés par une mer de sable.

Pendant longtemps, le désert de Gobi avala entièrement la région de Shazhou. Bien des siècles plus tard, un cultivateur du nom de Xin Xiang, voyagea dans le désert sur son cheval blanc, quand l'animal fut pris au piège dans des sables mouvants. Xin Xiang parvint à s'échapper des sables mouvants et s'activa à isoler l'eau en une flaque, puis à la stabiliser hors du sable pour s'y abreuver. Après cela, pour ne pas froisser la créature marine de la légende, il planta quelques graines en offrande dans les sables mouvants et reprit sa traversée du désert.

Sur le chemin du retour, il retourna à cette source d'eau qu'il avait découverte et décida de rester près d'elle et y médita pendant des années. On raconte que la flaque s'était transformée en un lac, que les arbres avaient tellement poussé qu'une oasis en plein désert s'était formée. Des années plus tard, les premiers toits d'une ville émergeaient du sable et depuis, cette ville prospéra et devint la capitale de la province qui s'appellera ensuite Shazhou.

Croissant d'Oasis était protégé par le mur autour de la ville et par vingt-quatre tours de guet, faisant d'elle une forteresse imprenable et inébranlable. À l'intérieur, comme une face cachée, le paysage était tout autre : un vrai paradis au goût de rêve et un régal pour les songes et les sens.

Grâce aux talents des cultivateurs et des maîtres-bâtisseurs, la cité était protégée par une sphère magique comme tout clan respectable se devait d'avoir. Cette sphère avait la particularité de générer de l'eau et elle faisait régner une atmosphère fraîche en désaltérant la place. On nommait le dôme: « Chudail ». Ce mot provenait d'une langue lointaine et signifiait 'la sorcière'. Croissant d'Oasis était ni plus ni moins qu'une ville verdoyante et fleurissante au milieu d'un désert aride.

L'eau qui s'évaporait et se condensait sur les parois de la sphère générait une immense colonne de cascade d'eau qui semblait prendre sa source depuis le ciel. En tombant, l'eau longeait les murs du palais comme mille petits et doux ruisseaux. Ils se rejoignaient au sol pour reformer une rivière qui se déversait dans le lac ayant la forme d'une lune croissante. C'était là, l'une des plus belles merveilles du monde de la cultivation. L'osmanthe et la lune étaient les symboles de cet endroit.

Les maisons de la cité faisaient au minimum trois étages. Pour la plupart, elles étaient collées les unes aux autres ou bien séparées par des haies d'osmanthes. Ici et là, de grandes arches et des ponts en pierre s'étendaient à travers la ville. Le bâtiment qui surplombait la cité était le palais rose du Croissant d'Oasis : le territoire des Yeux Noirs de Shazhou — la demeure du clan Huang.

Juste derrière le Bambou de Jade, les Yeux Noirs étaient l'une des sectes majeures les plus respectées. Leurs clans étaient réputés pour leurs méthodes de purge avec des reptiles rampants. Ils portaient des robes de la couleur du sable et ils soulignaient leurs yeux d'un trait épais de maquillage noir. Nombreux parmi eux enroulaient une écharpe autour de leur cou et du visage pour pouvoir se cacher le nez et éviter de respirer le sable et la poussière dans l'air. Lorsqu'ils quittaient la ville, ils se couvraient alors des pieds à la tête pour voyager à travers le désert.

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