Ch 33 : Espoir

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Au bout d'une heure dans la forêt de bambous, sous l'abri de fortune qu'avait bricolé Yuan Sunjie, la pluie avait augmenté d'ardeur et d'intensité au grand dam des deux adolescents.

Ils ne s'étaient pas échangé un mot pendant tout ce temps. Ils écoutaient seulement le bruit de la pluie dansant sur la bâche et dans les innombrables flaques qui naissaient partout autour d'eux. Yuan Sunjie aurait bien voulu méditer, mais cela l'ennuyait de devoir poser ses fesses sur le sol mouillé. De temps en temps, il enlevait le trop-plein d'eau de la bâche en le soulevant à l'aide d'un bout de bambou. Chose qu'il faisait, lorsqu'il eut une sensation étrange et capta du coin de l'œil, la silhouette d'une ombre au loin, de l'autre côté de la forêt, avant de disparaître aussi vite qu'un mirage. À ce moment même, Yu Shengcai sortit de son mutisme.

« Tu as entendu ? On dirait quelqu'un qui siffle un air dans une feuille de bambou.
— Sûrement le murmure du vent et de la pluie, juste notre imagination » répondit Yuan Sunjie.

Yu Shengcai poussa un long soupir et déclara avec des yeux plein de larmes :
« ... J'ai reçu une lettre de mon frère, confia-t-il sur un ton rempli de désespoir et de colère... Mon père est mort et mon frère me demande de retourner à Ying.
— Je suis navré...
— Tu n'as pas à l'être, coupa l'autre adolescent sèchement, ce n'est pas pour lui que je pleure. »

Surpris par cette réponse, Yuan Sunjie garda le silence. La lettre entre ses mains n'était plus qu'un amas déchiqueté qui faisait peine à voir.

« Je n'avais pas une très bonne entente avec mon père, on ne se voyait quasiment jamais, expliqua Yu Shengcai. J'étais le dernier de ses fils, né d'une concubine malade et décédé, il n'avait pas besoin de me connaître. Il ne m'a jamais écrit depuis que je suis ici. Il n'a pas réagi non plus quand on m'a envoyé ici... Si tu me vois pleurer... Si je pleure, c'est parce que je ne reverrai plus jamais cette personne si chère à mon coeur... J'apprends par la même lettre qui m'annonce la mort de mon père, qu'elle est morte depuis déjà trois mois... Pour... pourquoi personne ne m'a rien dis ?
— Yu...
— Je l'aimais ! Elle était comme ma famille, Yuan Sunjie ! sa voix se brisa comme l'était son coeur. C'était elle mon foyer ! Je n'ai plus rien, je n'ai plus personne !
— Je... Yuan Sunjie se retrouva à court de mots. Il ne put simplement qu'ajouter... Tu as encore de la famille et ici tu as plein d'amis. Ma seule famille, ce sont mes amis... Tu peux compter sur nous... Je suis un ami, quel ami ne souhaite pas venir en aide à ses proches ? Si je peux t'apporter du réconfort de n'importe quelle manière que ce soit, je t'en prie dis-le-moi, je m'y attellerai sans tarder, ajouta-t-il avec la plus grande sincérité avant de poursuivre avec un grand sérieux. Évidemment, tant que cela reste du domaine de l'éthique et de la moralité. »

Les larmes de Yu Shengcai brouillaient sa vision et il n'arrivait plus à parler, comme s'il avait maintenant un oursin coincé dans la gorge, pourtant lorsqu'il vit le visage grave de Yuan Sunjie, il ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire, puis il soupira et baissa la tête pour fixer la pluie. Ils ne se parlèrent plus jusqu'à ce que l'orage passât. La chaleur de l'air autour de Yuan Sunjie était douce, agréable et réchauffa l'atmosphère autour des deux adolescents.

Quand la pluie cessa, Yu Shengcai se leva et lui fit ses adieux avant de prendre congé. Il lui annonça qu'il quittait la secte le soir même. Ils se saluèrent et Yu Shengcai partit.

« Je suis reconnaissant d'avoir rencontré ta route et de compter aujourd'hui un nouvel ami » ajouta-t-il en partant.

Tandis qu'il s'éloignait, Yuan Sunjie restait dans la forêt de bambou et se dirigeait vers l'endroit où il avait cru voir une grande silhouette vêtue d'un kimono, tapie derrière un rideau de bambous brun. Yuan Sunjie sourit, il savait déjà qu'il aurait droit à du bon thé autour des effluves parfumés de saké...

Une Seconde ÉternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant