Ch 34 : Désespoir

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Yu Shengcai se dirigea vers une table et revint avec un plateau. Il avait attendu que Yuan Lie reprenne ses esprits et que la sensation de malaise se dissipe pour lui amener le bol de congee qu'il lui avait préparé.

Yu Shengcai connaissait les méthodes de tortures de son clan. Elles étaient cruelles et atroces. Yuan Lie aurait dû mourir depuis longtemps déjà. Son ami était en effet quelqu'un de spécial et de précieux.

« Merci Yu Shengcai, lui dit simplement Yuan Lie en prenant le congee.
— Mange doucement. Ne t'étouffe pas. »

Yuan Lie accepta la bouillie de riz aux graines de grenades qu'on lui tendait. Yuan Lie avait une sainte horreur des bouillies et des plats à texture pâteuse comme le congee ou les potages. Il trouvait que c'était de la nourriture pour vieux sans dents ou du vomi de chat, mais à cet instant précis, il céderait son âme pour du vomi de chat. Il avala goulûment une grosse lampée et manqua effectivement de s'étouffer avec la bouillie.

Le congee était un plat fade, sa texture douce et molle. Les graines de grenade étaient juteuses, petites et dures. Yu Shengcai ne connaissait rien à la cuisine, mais il savait le goût du congee fade et qu'il n'aimait pas ça. C'était pour cette raison qu'il avait ajouté les graines sucrées, fruit très répandu de sa localité, pour donner du goût au plat.

Les deux réunis semblèrent aux premiers abords faits l'un pour l'autre, mais un congee sucré avec ce qui sembla de petits cailloux, ça ne pouvait que surprendre et Yuan Lie fut surpris. Il s'étrangla en avalant de travers après s'être mordu la langue, son visage devint aussi rouge que les graines de grenade avec les larmes dans ses yeux. Par réflexe, il posa son coude sur sa bouche pour éviter de tousser sur ses sauveurs. Yu Shengcai comprit le problème et lui tapa le dos. Les larmes de Yuan Lie coulèrent.

« Dis Yuan Sunjie ! Je n'ai pas risqué ma peau et celui de mon frère pour que tu t'étouffes maintenant ! Tu pourrais manger avec plus de retenue, qu'est-ce que je viens de te dire ? » gronda ce dernier en lui donnant de grandes tapes pour le faire recracher.

Les gifles sur le corps et les toux dans le corps lui rouvrirent ses plaies ! Son mal alla de mal en pis ! La brûlure des lésions piquait son corps avec mille aiguilles et lui fit aussitôt oublier qu'il s'étouffait. La douleur fut foudroyante et parcourut toute sa chair. Il crut voir des éclairs et des étoiles danser devant lui. Son souffle coupé, il arriva avec grande difficulté à expirer le dernier souffle de ses poumons. Yuan Lie leva une main en grinçant. Son visage, devenu plus blanc qu'un linge, faisait ressortir ses yeux injectés de sang et de larmes.

« Doucement sur les tapes, avertit Mei Fang.
— Oh. Pardon ! s'exclama Yu Shengcai en comprenant son erreur.
— Yu Shengcai ! C'est... vraiment toi qui... va me tuer, répondit Yuan Lie d'une voix cassée.
— Je n'ai pas pris tous ces risques pour te voir mourir sur des graines de grenade ! Elles sont délicieuses, c'est pour ça que je t'en ai donné. Elles viennent de chez moi ! »

Yuan Lie émit un petit rire.

« Merci » dit-il enfin.

Yu Shengcai sourit et s'appuya contre la table en se penchant légèrement vers lui.

« Pas besoin de ça entre nous, je te devais bien une faveur après tout.
— Vous êtes un ami de mon jeune frère qui croit en la droiture de votre cœur, ajouta Mei Fang. Parce qu'on est frères, sans père ni mère encore en vie, nous nous devons de veiller les uns sur les autres. Quand l'un d'entre nous dévie du bon chemin, c'est aux autres de le ramener et de l'aider à corriger ses fautes pour ne plus recommencer. Pareillement, quand l'un d'entre nous se porte garant d'une tierce personne, les autres accordent aussitôt leur confiance à cette personne autant que lui-même. Jeune maître Yuan, le pari que nous faisons est risqué. Nous n'avons plus beaucoup de temps, alors écoutez bien. Vous nous avez demandé quel était notre plan. Notre plan est de libérer le Patriarche des Enfers et vous-même. Mon jeune frère croit que si c'est vous qui commandez au patriarche des démons, alors nous avons une chance d'arrêter notre frère aîné. Vous êtes sûrement notre dernier espoir. Reposez-vous sur cette table aujourd'hui. Nous avons emmené de la nourriture, de l'eau et une couverture. Vous devez reprendre des forces pour pouvoir vous échapper.
— Je pense savoir où mon frère garde le Patriarche des Enfers prisonnier. Mais la clé est sur lui tout le temps et il reviendra ici demain. C'est demain que nous te ferons échapper avant l'heure du rat*. »

Une Seconde ÉternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant