Chapitre 50: Si j'avais osé

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Aujourd'hui

Point de vue de Léandre.

On ne naît pas foncièrement méchant.  Selon les experts en la question, on le devient. Cela dépendrait de plusieurs facteurs comme l'éducation, les fréquentations...

Pendant longtemps, je me suis demandé pourquoi j'avais cette propension au mal. Mais avec du recul je sus que la réponse avait toujours été là. Et que je refusais juste de l'accepter. Comment n'aurais-je pas pu finir si mal avec l'enfance de merde que j'ai eu?

J'ai grandi dans une famille nombreuse avec des parents acculés par les difficultés de la vie et pauvres de surcroît. Nous étions une fratrie de huit enfants. Uniquement des garçons. Jusqu'aujourd'hui je ne sais pas pourquoi mes parents ont mis au monde tellement d'enfants pourtant ils n'étaient pas nantis.

Je suis le benjamin, le dernier à être venu agrandir cette famille qui croulait déjà sous le poids de la vie et qui peinait à se nourrir convenablement. Ma naissance, je découvris au fils des ans était inattendue et fut un coup dur pour tout le monde. Mes frères, au lieu de m'accueillir comme ils s'étaient accueillis les uns après les autres au fils des années m'ont plutôt vu comme une menace à leur équilibre familiale précaire. Ils m'ont détesté dès l'annonce de ma conception  et ne se sont pas privés de me le faire savoir.

Mes aînés ont dû arrêter leurs études pour travailler et aider ainsi les parents à subvenir à nos besoins. À la moindre occasion ils ne manquaient pas de me faire payer ce sacrifice. Je crois que s'ils avaient eu un temps soit peu du courage, ils m'auraient étouffé dans mon berceau. Mais ma bonne étoile a veillé. En grandissant, j'ai vite compris que ma famille ne m'aimait pas. Ce fut une dure découverte. Mes frères ne jouaient jamais avec moi et s'assuraient de manger mes repas quand je revenais un peu tard de l'école. Car ce repas leur aurait été distribué si je n'avais pas existé disaient-ils.

Comment s'en sortir dans de telles circonstances quand vous n'avez aucun allié? Soit on se laisse dominer soit on s'assure de dominer. Comment donc dominer quand on est jeune et sans défense? Dans ce cas je compris qu'on devait utiliser les moyens qu'on a à notre disposition. Et les seuls que je possédais étaient ma rancœur, mes sentiments. Leur noirceur était tout ce qui me permettait de ne pas m'écrouler sous la cruauté de mes frères.  Je me sentais dériver dans cette méchanceté chaque fois qu'ils s'en prenaient à moi injustement. Mais je crois que la chose qui me précipita de l'autre côté fut l'inertie de mes parents face à la méchanceté de mes frères. Ces derniers ne levaient jamais le petit doigt quand j'étais maltraité. A quoi me servaient-ils donc? À quoi servaient-ils s'ils étaient incapable de protéger leur enfant?

Un jour, je surpris ma mère rire quand mon troisième frère me fit un croc pied et que je tombai la tête la première sur le sol de notre petit salon . Je m'étais blessé et elle avait ri. Elle avait ri! Alors que je souffrais. Ce jour signa ma perte. Toute trace de bonté en moi disparue et je décidai de le leur faire payer tout le mal qu'ils me faisaient.

Mes parents moururent quand j'avais treize ans.

Tout le monde avait conclu que c'était un incendie criminel. Ce qui était vrai. Mais ce qu'il n'avait jamais su c'est que le criminel c'était moi.

Je les avais brûlés vifs.

Un après midi, alors que mes frères étaient sortis comme à leur habitude sans se soucier de moi, mes parents étaient allés s'amouracher dans la cabane un peu loin de la maison. Depuis qu'ils avaient constatés que l'étroitesse de la maison nous permettait d'entendre leurs ébats, ils avaient décidé de faire désormais leurs fonctions primaires dans cette partie de notre concession.

Si J'avais Osé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant