Si J'avais Osé

Chapitre 43: Rupture

Six ans plutôt

Myris.

Je me réveille avec le sentiment qu'un malheur va s'abattre sur moi. L'atmosphère autour de moi est si lourde que j'ai peur d'ouvrir les yeux et d'affronter ce qui se trouve de l'autre côté de mes paupières closes. Mon coeur bat frénétiquement et mon sang se glace. Mais qu'est-ce qui se passe? Je me demande intérieurement quand la pression due à ma peur inexpliquée me submerge. Je serre fort les yeux. Mes paupières se croisent et mon esprit me dit qu'il aimerait qu'il en soit ainsi pour toujours.

Je sais que c'est déjà le matin. J'entends de loin quelques cris d'oiseaux et les pas des serviteurs qui s'affairent. Alors pourquoi la chambre est-elle encore plongée dans le noir? Peut-être qu'Andréa dort encore. Dans ce cas pourquoi je ne suis pas contre lui? Nous ne nous réveillons jamais loin de l'autre quand nous dormons ensemble. Sans ouvrir les yeux, je pose ma main sur la place à côté de la mienne et c'est le drap froid que me doigts rencontrent. Et sans crier gare, mes yeux s'ouvrent d'eux-mêmes. J'observe sa place et il n'y est pas. Et je sens que quelque chose ne va pas. Andréa ne quitte jamais le lit sans me réveiller de ses baisers et câlins. Si aujourd'hui il l'a fait c'est que quelque chose ne va pas.

Morte d'angoisse, je me décide à me lever pour aller à sa recherche. Mais quand j'enlève le drap sur mon corps nu et que me pieds touchent le sol, je le vois. Il est là. Le dos à moi. Près de la fenêtre. Il regarde par la fenêtre où les rideaux légèrement tirés laissent entrevoir difficilement l'extérieur. Il a les muscles tendus. Le dos droit comme un piquet et les mains serrées en poing comme s'il s'apprêtait à cogner dans quelque chose.

Je suis prise de peur quand je le vois dans cet état. Alors je l'appelle d'abord afin d'attirer son attention sur moi. Je veux voir son visage . Si je vois son visage, je saurais à quel point ça ne va pas .

- Andréa ?

Il ne me répond pas. Pourtant je sais qu'il m'a entendu. J'ai parlé suffisamment fort. J'ai entendu ma voix faire écho dans la chambre. Alors pourquoi m'ignore-t-il?

- Andy? J'insiste . Je veux comprendre son attitude. Qu'est-ce qui se passe?

- C'est quoi le nom de l'hôtel dans lequel tu as séjourné déjà ?

Voilà ! C'est la fin! Voici le danger que je pressentais depuis mon réveil. Cette vague qui viendra nous engloutir. Cette vague que j'ai moi-même provoquée avec mon mensonge. Je ferme les yeux et essaie de contrôler ma respiration qui se saccade. Je dois rester calme. Je sais que je n'ai plus aucune échappatoire. Je dois assumer mes actes. Seulement ce qui m'effraie c'est de ne pas pouvoir prédire l'issue de cette énième dispute. Je ne sais pas si on parviendra à le surmonter. Elle arrive si tôt. À peine l'ancienne blessure cicatrice-t-elle qu'une autre s'ajoute et infecte encore la première.

- An...

- Réponds-moi! Il tonne et je sursaute sur le lit où je suis encore assise.

Il ne s'est pas retourné. Il ne m'a toujours pas regarder et je meurs de son rejet.

- Ne...je.. je n'étais pas dans ...dans un hôtel. Je finis par avouer. Ne désirant plus aggraver ma situation.

Je le vois souffler. Expirer. Laisser l'air sortir de ses poumons comme s'il s'était arrêté de respirer dans l'attente de ma réponse.

- Et où étais-tu ?

-...

- Pour la dernière fois Myris, je te demande où tu étais.

Il parle doucement mais je sais que son calme n'est que la partie immergée de la colère qui tapie en lui.

- Dans un appartement.