12- Gentil toutou

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Notre sortie du lycée ne se passe pas dans le calme habituel. C'est avec surprise que j'apprends qu'un attroupement de journalistes attend le mannequin vedette pour de plus amples explications sur sa rupture, tandis que je range les tapis de gymnastique sur le chariot. Les autres élèves se sont enfuis pour éviter cette tâche ingrate mais je n'ai pas eu le coeur à laisser mon professeur le faire seul. Enfin, techniquement, il y a une autre personne qui traine encore avec nous sans pour autant mettre la main à la pâte. 
Le concerné par tout ce ramdam ne fait pas le fier en observant les intrus depuis l'interstice de la fenêtre.

— Alors, on a la trouille d'assumer de s'être fait larguer? Dis-je pour l'embêter.

— Ta gueule, la tâche. J'réfléchis.

Il a surtout l'air de se chier dessus mais je garde pour moi cette réflexion.

— Tu sais qu'au bout d'un moment, il faudra quitter les lieux.

Je crois l'entendre grommeler qu'il préfère passer la nuit ici et je décide de le laisser ruminer, telle la Drama Queen qu'il représente. J'éteins les lumières du gymnase et me rends dans les vestiaires afin de retrouver mon jean et t-shirt que j'affectionne. Les pieds à peine posés devant cette porte du gymnase, j'en viens à ressentir de la culpabilité. Je pèse le pour et le contre et me souviens que cet espèce de melon sur pattes m'a protégée du regard de mes camarades dans les bains publics. Je peux donc faire ce geste pour lui.

Je fais demi-tour et l'attrape par le t-shirt couvert de sueur. Il se laisse faire sans comprendre où je veux en venir jusqu'à ce que je le lâche dans le vestiaire.

— Change-toi.

— Pourquoi ?

— Si tu veux rester dans ta crasse, c'est ton problème mais t'as cinq minutes avant que je ne change d'avis et décide de ne plus t'aider à t'enfuir d'ici.

Ses yeux se mettent aussitôt à briller et je rougis en le voyant retirer son vêtement devant moi comme si ma présence ne le gênait en rien. Il farfouille dans son sac de sport, récupère sa serviette pour s'éponger et enfile un t-shirt de rechange. On repassera pour le côté hygiénique mais je ne lui ai laissé que peu de temps. Mes yeux s'écarquillent alors qu'il baisse son short de sport, dévoilant un boxer Calvin Klein bleu marine et une machine de guerre au repos mais visiblement imposante. Ses cuisses sont quant à elle musclées et appréciables.

— T'as fini de mater?!

— J'admire la vue qui s'offre à moi.

— Tu m'en voudras pas si je te ressors la même phrase quand ce sera mon tour.

Il rêve s'il pense un jour me voir en culotte. Son jean à peine enfilé, il patiente tel un bon petit soldat devant son instructeur. C'est assez marrant d'avoir cette vision des choses: moi, Meena, j'ai de l'emprise sur le grand Hwang Huynjin. On croirait rêver. 

— Alors? On va faire ça comment? 

— J'vais baisser ma culotte et écarter les jambes puis tu vas me tamponner contre le mur et...

Son visage blêmit à mesure que je débite mes bêtises. Je crois que nous n'avons pas le même humour. Avant qu'il ne tourne de l'oeil devant ma proposition surréaliste, je tapote son torse pour le rassurer. Grossière erreur, il frémit et je rougis en retour. Cela ne devait être qu'un geste de paix, pas une tentative d'entrée en matière pour des préliminaires. 

— Respire, Miss Monde. On va passer par la maison du gardien. 

— On a le droit?

— Non. Mais je peux te laisser défiler devant les sympathiques photographes, si tu préfères?

A en croire sa réaction, il opte pour l'illégalité à mes côtés. Je nous fais longer les bâtiments  jusqu'à rejoindre cet espace strictement interdit aux lycéens, indiqué par de nombreux panneaux. Monsieur Won en avait marre que son jardin devienne un lieu d'échanges salivaires entre jeunes et s'est même payé le luxe d'acheter un chien. Vu le visage de mon invité, je crois que cette dernière donnée ne lui plait guère. 

— C'est quoi, ça?!

— Un toutou. 

— Non, Meena. Ca c'est un tigre ou un cerbère, comme tu veux mais tu ne peux pas comparer ça à une boule de poils de mémère. 

— Oh t'inquiète, il sort un peu les crocs et a tendance à grogner mais il ne m'a jamais mordu. 

Parce que j'ai toujours couru très vite. Mais je pense qu'il vaut mieux garder cette précision sous silence pour ne pas l'inquiéter davantage. 

— Il doit y avoir une autre sortie. Je n'avancerai pas derrière cette barrière. 

Le Cane Corso se redresse sur ses pattes en me voyant. Je crois qu'il m'aime bien. Ou désire me manger. Peu importe, c'est quasiment la même chose. 

— Bon, suis mes instructions si tu tiens à tes bijoux. Je vais faire une diversion et il faudra que tu sprintes derrière moi en contournant la vieille maison. On tombera sur la voiture de Monsieur Won et il faudra grimper sur le capot pour pouvoir atteindre le haut du muret et passer par dessus. Tu le sens?

— Non. 

— C'est parti. 

Je sors une sucette de ma poche et l'agite devant le petit démon noir. Il semble impatient de jouer au chasseur. Jusqu'à présent, j'ai toujours gagné. J'espère que le mannequin ne me portera pas la poisse. 

— Quand est ce que je saurais que c'est le départ?

— Maintenant. 

La sucette fait un vol plané à cinq mètres du grillage. Comme prévu, le chien course l'objet tandis que je saute par dessus le petit portillon et vois Hyunjin en faire de même. Je ne parviens pas à masquer le sourire et l'excitation sur mon visage tandis que l'adrénaline fait pulser mon rythme cardiaque vers des hauteurs inquiétantes. L'herbe longeant la bâtisse me chatouille les pieds. Il faudra que je dise au gardien de mieux élaguer son terrain, quand tout à coup la stupeur me prend. 

— Mais... T'avais dit...

Un nouveau grillage nous sépare du garage ouvert. Hyunjin commence à paniquer et à m'insulter de tous les noms, prétextant que je vais être la cause idiote de sa mort quand je l'attrape par le cul pour le pousser vers cette grille. 

— Grimpe au lieu de chouiner. 

Gentil Toutou est déjà de retour après avoir dégusté ma friandise et semble vouloir passer au plat de résistance. Je suis plutôt agile pour contourner l'obstacle et soupire en devant tirer la limace par le jean à nouveau. Il s'en est fallu de peu pour qu'il se fasse croquer un morceau de chair. 

— Jung Meena. Je vais t'exploser ta face!! Tu vas mourir! Tu m'entends?! 

Non, je ne l'écoute pas. 
Limite en sifflotant pour l'énerver, je saute sur le capot de la voiture et atteins sans mal le haut du muret avant de passer de l'autre côté. La star du dimanche me rejoint dans la seconde, tout en poursuivant ses menaces de mort. Il faut que je le fasse taire avant que je lui écrase les burnes. 

Je plaque ce malpoli contre l'enceinte extérieure du lycée et approche mes lèvres...

Red LightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant