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Notre descente vers les bains aménagés au sous-sol se fait sous une observation mutuelle et silencieuse. Mason affiche une décontraction calculée, en tant qu'hôte des lieux, soutenu par son complice Christopher, avec une bouteille de mousseux français à la main. Je me donne une allure de femme inaccessible, ne prêtant pas attention à Carter ou Lyam qui ne cessent de me dévisager. Tous deux semblent attendre quelque chose de moi que je ne souhaite leur apporter. Ma confiance en eux avoisine le néant, pourtant je ne ressens aucune envie de les fuir ni de retrouver le tumulte de la fête.
À notre arrivée aux sous-sols, Mason salue l'un des employés de la maintenance et mentionne avoir les accords nécessaires pour se trouver sur les lieux, mensonge totalement évident mais qui ne sera jamais dévoilé. Deux directions se posent à nous, derrière les portiques non fonctionnels. Je fixe les garçons s'éloigner tandis que l'agent m'explique rapidement comment activer les interrupteurs pour mettre en marche les lumières et les jets des bassins réservés aux femmes. Si ma tête oscille studieusement, je suis consciente de ne pas comprendre la moitié des indications et me dirige vers la zone réservée aux femmes avec angoisse, en trainant des pieds. J'aurais dû réaliser que me rendre dans des bains avec un groupe de garçons reviendrait à m'isoler encore une fois, sauf que ce terrain de jeu humide n'est pas ma chambre. Je retire mes sandales et pénètre dans cet immense vestiaire qui n'est qu'une succession de casiers et de dédales. Je me repère à la luminosité des panneaux d'issue de secours et choisis l'une des cases les plus proches de la sortie. Mes regards oscillent de chaque côté pour m'assurer qu'aucun intrus ne se trouve ici-bas. Ayant déjà côtoyé des bains publics en Corée, je sais que le plus difficile est de se mettre à nu. Une fois l'étape accomplie, le corps n'est plus qu'un parmi tant d'autres. Plus on se montre pudique et plus les regards s'attardent sur nous. Mais cette situation est différente. Il n'y a pas de sécurité à l'entrée et je tremble légèrement en retirant la robe qui me couvre. Un grand panneau rappelle la nécessité d'être nue pour une question d'hygiène et de passer par l'étape de la pré-douche. Peu rassurée, je décide de rester en sous-vêtement et de les enlever une fois près du bassin. Cependant, un problème se pose à moi. L'entrée est en travaux et cumulent de nombreux passages à emprunter. Après avoir chanté une chansonnette pour me donner du courage et avoir rebroussé chemin en constatant que le couloir indiqué était sombre, je m'engage dans celui où la lumière brille de mille feux. L'espace dédié au nettoyage du corps semble tout de suite plus accueillant et je m'installe avec plaisir sur l'un des postes qui permet de frotter le corps en profondeur ou juste se savonner. Il est difficile pour moi de quitter cette invitation au cocooning et me fais violence pour découvrir les différents bassins proposés. Je m'éloigne des plus frais pour m'installer vers celui qui propose une chaleur convenable, reculé dans cet immense open space. Agrémenté de jets puissants, il évoque une cascade et provoque assez de remous pour générer la moitié du bruit dans cette salle. Les spots lumineux n'étant pas activés au-dessus de ma tête, créant un semblant d'intimité avec cette cloison, j'identifie ce bassin comme lieu idéal pour me détendre. Je retire tout d'abord mon soutien-gorge, puis me défais de ma culotte avant de me précipiter dans l'eau et gémir de bonheur en sentant cette chaleur s'emparer de mon corps. Je commence à positionner ma tête contre le rebord, les fesses coincées sur l'assise immergée et ferme les yeux pour somnoler légèrement, tout en imaginant le vacarme que doivent créer les garçons de leur côté. Cette sensation de plénitude ne se trouve que dans des lieux comme celui-ci. Mon esprit divague, au point de me faire soupçonner des pas ainsi qu'un mouvement de l'eau qui crée des ondes contraires au courant. Lorsqu'un bruit d'immersion rend cette transe plus authentique, j'ouvre les yeux, paralysée par la crainte qu'un inconnu soit près de moi. Mais la réalité est plus terrifiante.

— Lyam ?
— Qu'est-ce que...

Le mannequin de Paco Rabanne se tient debout sur les premières marches, nu. Totalement nu. Dans toute sa splendeur.
Je cligne des paupières, subjuguée par un tel spectacle avant de réaliser que je porte autant de vêtements que lui. Même si l'eau me couvre, je plaque aussitôt mes mains sur mes seins tandis que je croise mes jambes et inspire jusqu'à combler mes poumons. Au lieu de fuir comme je l'aurais pensé, ce garçon avance vers moi, comme s'il pensait pouvoir gérer cette panique qui m'agite et mes pieds qui battent dans l'eau.

Red LightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant