39

278 11 0
                                    

Lyam

Vêtu d'une tenue décontractée, je déverrouille la fenêtre pour prendre position sur la bordure. Le vent souffle en cette soirée, mais cela ne me convainc pas de renoncer à cette entreprise. Je compte bien rejoindre Meena, quitte à interrompre son date avec Carter Jaine. Il est hors de question que je laisse ce mec profiter de sa situation émotionnelle compliquée. Je me sens prêt à jouer les superhéros, à quelques jours de ma majorité, même si de nombreuses conséquences pourraient avoir lieu en dévoilant notre proximité et lien plus qu'amical.
Je tente d'imiter ma voisine et son aisance sur cette branche tout en progressant. Les craquements de l'arbre ne m'indiquent rien qui vaille, mais il est trop tard pour faire demi-tour. Un saut périlleux m'oblige à mettre ma sécurité de côté pour atteindre la balustrade. Le dernier coup d'oeil que je porte vers sa chambre me déstabilise, cependant, puisque j'y aperçois Carter qui surveille ma cascade. Je peux donc oublier l'effet de surprise. Cela simplifiera les choses. Une discussion entre adultes est toujours préférable à des cris démesurés.
Je progresse jusqu'à la façade que j'escalade lentement, en raison de la pierre glissante et de mes pieds nus. Trop de stratégies divergentes perturbent ma réflexion et je finis par ne plus savoir quoi dire lorsque je pose enfin le pied sur sa terrasse.
Toutefois, les mots deviennent inutiles.
Derrière le store qui isole maintenant sa chambre, des bruits retentissent et font vibrer le verre de la porte-fenêtre. Je reconnais des grognements d'homme, qui me laissent deviner ce qui s'y passe sans ressentir le besoin d'y être confronté.

Je suis lâche.
Et minable.
Et je n'agis toujours pas. 

Voilà de quelle façon tout se termine avec celle en qui j'avais projeté mon avenir et qui vient de le réduire en miettes.
La colère de Meena pour mon inaction était compréhensible, mais de là à se laisser consoler par un autre mec aussi vite, c'est difficilement acceptable.
Mon corps désire entrer dans cette chambre alors que mon esprit renonce et me pousse à m'isoler. Je vis comme un black-out dans mon esprit et ne fais que constater mes membres qui progressent en sens inverse. La branche s'affaisse derrière moi, mais ne me provoque aucune panique. C'est à peine si je tremble alors que je me replie dans ma chambre et m'assure de fermer cette fenêtre.
Les femmes causeront ma perte.

Abattu, je ne sais pour quelle raison je compose l'un des numéros que mon téléphone et attends qu'une voix vienne me sauver de cette torpeur.

— Rixon. Besoin que je te la tienne pendant que tu te branles ?

Ce petit con arrivera toujours à me faire sourire, même dans les pires instants. J'avoue apprécier la fausse distance qu'il met entre nous en m'appelant par mon nom de famille, là où tant de personnes prononcent Lyam sans réellement me connaître.

— Mase, je ne sais pas comment te l'annoncer.
— Tu es vierge, réplique-t-il.

Mon soupir lui laisse le temps de comprendre que je n'ai pas le coeur à ce genre de bêtises, pas après ce que j'ai entendu. Du bruit à côté de lui parasite notre discussion. Il n'est pas seul, ce qui attire ma curiosité. Notre trio est-il déjà parti en vrille ? Suis-je le seul à regretter ce moment vécu dans le chalet ?

— Tu es accompagné ?
— Affirmatif. Et notre rendez-vous est plus qu'agité.

Les gloussements éteignent le peu de jovialité qu'il me restait. Rien n'a été pris au sérieux. Pourtant ce n'est pas l'impression que j'avais lorsque nous étions en phase sur le tapis ou dans le lit miteux. Mais contrairement à la fuite que je viens de vivre, je décide de continuer cette conversation pour mieux comprendre mon interlocuteur.

— Anza-Borrego, c'est derrière nous ?
— C'était le pied, soupire Mason. Ça restera mon plus beau souvenir.

Je prends note de son abandon. J'imagine que trop d'obstacles se sont dressés entre lui et Meena. Il y a eu sa conversation dévoilée, la fausse promesse avant la danse et ce repas catastrophique au gala. Je le pensais pourtant teigneux et attaché à ma belle Coréo-Américaine. Mais tout le monde peut se tromper. 

Red LightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant