Red Lights

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Ma culpabilité me travaille en ce dimanche, envers Carter que j'ai délaissé honteusement pendant le gala alors qu'il y faisait ses premiers pas. Avec sa bienveillance habituelle, le grand blond a tenté de jouer le tampon entre Lyam et sa mère, quitte à se prendre quelques réflexions au passage. Sans mon invitation, il n'a pas pu se rendre à l'after et je suis certaine qu'il doit le regretter. C'était une chance inouïe pour lui d'approcher des personnalités importantes et je la lui ai gâchée. Cherchant à me rattraper sans trop savoir comment m'y prendre, je lui propose de passer me voir sous prétexte de discuter des cours.
Mon père a retrouvé le calme de son bureau et m'offre une autonomie appréciable à un moment où je peux faire étalage de mon émancipation.
Le taxi que j'ai envoyé à Carter le dépose devant mon portail et lui laisse le temps de s'émerveiller de la splendeur de la villa jusqu'à ce que je le rejoigne. À l'époque où les deux parties étaient encore communes, la sensation de majesté était inégalable.

— Je pensais que ce genre de maisons existaient seulement dans les magazines ou sur MTV. 
— Elle est plus imposante que grande. Mais entre. Je t'en prie. 

Nos regards se tournent synchroniquement vers la lumière rouge qui s'illumine dans la chambre de mon voisin, avant que je l'encourage à presser le pas. Je n'ai aucunement l'intention de donner l'opportunité à ce maniaque de l'image d'espionner cette entrevue. Chaque mètre effectué dans ce qui est mon quotidien vole des exclamations et marmonnements admiratifs, me faisant culpabiliser sur la reconnaissance que je devrais éprouver davantage envers mon père pour ce qu'il a construit. 

— Ton salon fait la taille de l'appartement de mes parents. 

J'ignore quoi répondre à cette remarque et renonce à lui faire visiter les lieux, pour ne pas accentuer le malaise que je sens naitre. D'un sourire agréable, je lui indique l'étage et ma chambre dans laquelle j'ai l'intention de nous installer tranquillement. Une fois à l'intérieur, Carter se désintéresse des assises, et se dirige vers la porte-fenêtre. Celle-ci attire son attention et la vision que l'on a d'en face, soit une vue plongeante sur une chambre que je tente d'oublier.

— C'est curieux d'avoir un voisin aussi proche quand on a autant d'hectares. 
— Les maisons étaient jumelées à l'époque. C'était beaucoup trop grand pour nous, donc mon père a accepté d'effectuer quelques travaux pour se séparer de la moitié. 
— J'aimerais tellement avoir ces problèmes de riche, réfléchit-il à haute voix. Donc je suppose que l'arbre n'est pas d'origine.
— Non, il a été planté pour l'occasion.
— Évidemment, ricanne-t-il.
— Les Rixon sont des voisins assez discrets, donc on oublie très vite leur présence. 
— Rixon ? Lyam Rixon ? Il vit à dix mètres de chez toi ? 

Je ne sais pourquoi l'information provoque un tel étonnement à chaque personne dont j'en fais part, comme s'il était inconcevable que le mannequin vedette vive comme tout un chacun, démystifiant ainsi le personnage. 

— Oui. Et figure-toi qu'il dort même dans un lit, la nuit.

Ma boutade n'a pas l'effet escompté puisque Carter ne réagit pas et préfère observer le peu que l'obscurité dévoile, les leds étant de nouveau éteintes. Peu intéressée par cette vision que je scrute déjà à chaque lever et coucher, je me replie sur le matelas, près de la tête de lit, dans l'espoir qu'il se sente ainsi obligé de m'y rejoindre. Mais Carter Jaine est un individu bien surprenant puisqu'il n'agit en rien comme je l'entends. 
Concentré sur le paysage auquel je tourne maintenant le dos, il décide d'entamer la discussion, dans une ambiance tendue que je ne saurais expliquer.

— Tu voulais me parler d'une notion que tu n'avais pas comprise.
— C'était surtout une excuse pour me faire pardonner. Je suis partie assez vite, hier soir.
— Je ne m'attendais pas, en effet, à ce que les organisateurs de l'évènement arrivent quasiment les derniers pour repartir, aussitôt la dernière cuillère du dessert avalée.