24- Sous le drap

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Qu'est ce que Hwang Hyunjin fabrique au pied de la baie vitrée menant vers le débarras condamné de ma villa?

J'ai le réflexe de couper le micro avant de prononcer la moindre parole désobligeante envers cet intrus mais il me devance.

— C'est quoi toute cette merde? S'exclame-t-il en avançant vers mon installation, comme si de rien était.

— Pas tes affaires. Dégage de chez moi.

Il rit, m'oblige à me rasseoir sur le fauteuil et me fait reculer d'un coup de main. Hors de question de le laisser fouiner dans mes affaires illicites. J'avance en butant par mégarde contre son talon. Je l'entends pousser un juron puis poser ses grosses fesses sur mes cuisses, me bloquant ainsi de tout mouvement.

— T'es sérieux? Tu me fais mal. Sors!

— Non. Je regarde. Arrête de bouger, tu me gênes. Alors... On est sur quoi? C'est ici que tu te caches pour regarder du porno?

Il clique sur les onglets que je n'ai pas eu le temps de fermer et parcourt des yeux le chat.

— C'est quoi NoeasyGirl ? Une chanteuse? Pas très populaire si j'en crois les commentaires. Hum, mais on est sur le site du lycée. J'ai pas encore eu le temps de me plonger dans ce truc. Vous discutez tous ensemble, c'est cool. Attends, les messages continuent... Pourquoi vous vous acharnez sur cette fille?

Je m'apprête à lui dire qu'il se trompe mais me rends compte qu'il n'a pas fait le lien entre elle et moi. Je n'ai parlé que dans le micro depuis le début de l'émission, il ne peut donc pas faire le rapprochement, tant qu'il ne publie aucun commentaire. Cela peut tourner à mon avantage.

— Bon... Si tu me disais ce que tu es venu faire là?!

— Je fais comme toi, j'espionne. Je ne savais pas ce que tu cachais ici. T'as un problème de connexion pour mettre ton ordi dans un endroit que tu ne peux accéder qu'en escaladant ta façade ? C'est quand même tordu. Ton père a les moyens d'appeler un serrurier ou de mettre un amplificateur de wifi. J'peux te défoncer la porte si t'en as pas eu l'idée.

Mes bras s'enroulent autour de sa taille pour éviter qu'il ne se lève et ruine ma cachette en forçant cette maudite serrure. Mais il reste surpris de mon geste, autant que mon cerveau qui n'assume pas.

— Ok... Ça fait un peu bizarre d'être sur tes genoux dans tes bras, la tâche. J'pense qu'on va échanger tout de suite. J'ai l'impression de jouer le rôle de la fille.

Machiste...
Je mets fin à cette étreinte et recule comme si mon corps brûlait à proximité de son être.

— C'est moi ou t'es nerveuse?

— Je ne le suis pas.

Il piste mon mensonge et s'en délecte. Pourtant, j'aimerais juste qu'il s'en aille. Je n'ai pas pu terminer mon live et les lignes qui défilent m'indiquent que ça s'active dans les commentaires.
Malheureusement pour moi, il suit mon regard et comprend qu'il interrompt quelque chose. Je ne confirme rien, n'avoue rien. Le silence est ma meilleure arme.

— Je pense que l'on peut éteindre ça. Tu as eu trop d'écran pour ce soir, Mademoiselle la Voisine.

Sa main appuie sur l'unité centrale et rend l'écran tout noir. Je repasserai sur l'envie de l'étriper pour ce geste irréfléchi tout sauf bon pour le matériel et reste sur mes gardes.

— Maintenant, tu as deux choix. Soit tu restes là, muette comme une carpe à bouder, soit tu me rejoins dans ta chambre. Mais sache que c'est à mon tour de fouiller.

Un éclair de panique me traverse. J'ose espérer pendant quelques secondes qu'il bluffe mais il quitte réellement les lieux. Je n'ai d'autres choix que de me lancer à la poursuite du lapin blanc.
A bout de souffle sur la terrasse de ma chambre, je l'observe allongé dans mes draps, la main plongée dans le premier tiroir de ma table de chevet.

Red LightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant