50- Une famille bancale

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Les carottes sont cuites si j'en crois le cuisinier dont de la vapeur s'échappe des narines.

Je préfère serrer les cuisses, par réflexe et remercie mon caprice d'il y a quelques minutes pour avoir quelque chose qui me couvre jusqu'aux cuisses. La situation aurait pu être cauchemardesque.

— Monsieur Jung, je peux tout vous expliquer, dit mon petit ami torse nu.

— Et j'ai hâte de vous entendre, tous les deux, car il me semble avoir déjà vu ton derrière quitter les escaliers de ma maison sans les avoir montés. Alors soit, tu es doué de téléportation, soit j'en conclus que mon magnifique Sakura dont j'ai cru entendre la branche se casser, t'a servi d'échelle jusqu'à la chambre de ma fille.

— Euh... C'est elle qu'a commencé.

Pardon?
Je claque cette grosse balance et reprends les choses en main.

— Papa, on a un gros problème.

— Je le savais, me dit-il en se frottant le visage tout en commençant ses allers-retours dans la chambre, m'obligeant à pivoter à chaque fois. Tu es enceinte, c'est ça? Tu ne t'es pas protégée? Je t'avais acheté une boîte de capotes mais je ne savais pas comment te la donner. Pourtant, j'ai utilisé nos codes.

De quoi est ce qu'il me parle?

— J'avais placé des petits papiers un peu partout dans la cuisine.

Méfie-toi de la banane.

Les fruits ont des pépins...

Je commence à blêmir en voyant Hyunjin pleurer discrètement pour cacher son fou rire.

— Elle était située à côté des mouchoirs. Je me suis dit que le jour où tu serais enrhumée, tu te pencherais et la trouverais.

Je crois que je vais bientôt décéder d'asphyxie.

— Mais maintenant je vais être papi. Bon... C'est pas si dramatique. On a les moyens de l'élever. Tu feras ce que tu veux de ce garçon mais on ne reprochera jamais à ce petit innocent d'être venu au monde. Après tout, il y a beaucoup de mères quasiment majeures. Et on s'en fiche du regard des autres. Je te protègerai des commentaires irrespectueux car tu seras toujours ma toute petite princesse devenue un peu plus grande. Il faut que je m'occupe de te trouver un gynécologue. Ta mère en avait un dans le centre de Séoul mais je ne me souviens plus de son nom. Puis il faudra que tu fasses des cours de préparation à l'accouchement. Tu verras, ça fera peut-être un petit peu mal mais tu t'en sortiras, tu es forte. Le secret, c'est la grande aiguille qui est magique. Ça fera bizarre si je t'accompagne là-bas mais je te créerai une banderole de soutien pour quand tu ressortiras du bloc. Je...

— Papa...

— Oui?

— Je t'aime.

Hyunjin me pousse dans le bas du dos pour que je prenne le courage de câliner mon père.

— Et moi aussi je l'aime! Rajoute-t-il, fier de lui.

— Et je ne suis pas enceinte.

— Moi non plus, monsieur.

Je claque l'abruti derrière moi avant de demander enfin à mon paternel s'il veut bien patienter au salon que je me change. Il acquiesce mais emmène avec lui l'autre trublion en l'attrapant par l'oreille.

Une fois revêtue de mon traditionnel jean et t-shirt blanc, je rejoins les deux hommes de ma vie sagement installés dans les fauteuils. Tout ça me paraît un peu suspect. C'est alors que j'aperçois le katana de mon père, acheté lors d'un de nos voyages au Japon, entre ses mains.

— Papa...

— T'as dit que tu m'aimais, moi, mais tu n'as rien évoqué concernant celui-là.

— Je l'aime aussi.

— Ah bon? Tu m'aimes? S'étonne l'illuminé.

— Ben oui.

Je prends enfin le temps de faire les présentations comme il se doit et laisse Hyunjin raconter l'enfer qu'il vit depuis plusieurs années. Je vois le visage de mon père se décomposer devant les attitudes d'une mère tyrannique et irresponsable.

— Ça ne peut pas se passer comme ça...

— Tu as un plan?

— Non. Mais je vais improviser.

Nous voilà bien lotis. Dans la famille déglinguée, je vous demande la fille, adepte du voyeurisme, le petit ami obsédé à souhait et maintenant le père ultra-émotif et tête brûlée.

Il se lève et range son arme dans son bureau avant de s'avancer vers la porte d'entrée.

— Restez sagement à l'intérieur et n'ouvrez à personne.

— Même à toi?

— Meena...

— J'plaisante. File papa, je crois en toi. Fighting!

Il ferme la porte, descend les marches tel un guerrier allant au massacre et fait demi-tour avant de nous lancer.

— Il est évident que j'attends de vous que vous restiez dans ce salon avant de nous pondre un petit être dont vous connaissez déjà la destinée.

— Oui, papa. On sera sages...

Je donne un coup de pied à Hyunjin pour qu'il confirme ma déclaration sinon on peut être sûr qu'il ne s'en ira pas de si tôt.

En nous dirigeant vers la fenêtre, on l'observe rencontrer le père de Hyunjin qui arrive au même moment et s'en aller vers leur demeure.
Je ne sais pas ce qui ressortira de bon de tout cela mais je peux me détendre car ce n'est plus entre nos mains.

On s'affale dans les canapés l'un contre l'autre. Ne pas forniquer ne signifie pas absence de câlins.
Hyunjin me caresse les cheveux tout en lançant quelques révélations.

— Alors comme ça tu es la célèbre NoeasyGirl...

— Oui même si techniquement on est toute une équipe.

— Tu aurais dû m'en parler... J'ai vu les messages. C'était immonde.

— C'est le prix de la vérité. Bien souvent, elle dérange. Mais j'ai décidé de faire une dernière action avant de raccrocher.

— C'est en rapport avec la liste et le pari?

— Oui. Je vais mettre un terme à tout ça.

— Alors tu peux compter sur moi. Je suis NoeasyGirl.

— Nous sommes NoeasyGirl, dis-je en posant ma main sur la sienne.

Peu importe l'auteur d'un acte héroïque, du moment que celui-ci est fait, c'est le principal.

Red LightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant