28- Quel est votre fantasme inavoué ?

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Je peux le faire.
Je peux le faire.
Je peux le faire. 
Je peux résister à l'envie d'étouffer Hyunjin avec mon corps. Ça serait une belle mort, n'est ce pas?

Le mannequin prétentieux m'horripile à mener notre trio à la baguette. Il impose ses activités, ses choix de menu, ses émissions télé. J'ai l'impression de vivre une immersion au coeur de Hyunjin KardaChiant. Nous relégons nos activités imposées à la dernière place des choses à faire.

Afin de prouver que nous avons vraiment tenté de créer cette cohésion, la SKZ Academy nous a demandé de remplir un questionnaire. Je dirais même qu'à l'heure qu'il est, mon colocataire m'inspire tellement pour la question "quel est votre fantasme inavoué?" Mais il semblerait que cette question n'ait été prononcée que par mon esprit pervers.

— Quel est votre couleur préférée? Demande Beomgyu le crayon à la main.

Il a tout mon respect pour remplir scrupuleusement les 3 cases sur 5 qui ornent la longueur de ces pages. J'aurais abandonné depuis longtemps si j'étais chargée de tout mettre par écrit.

— Laisse-moi deviner pour celui-là, ça va être le rouge.

Notre chef tyrannique me frappe l'arrière de la tête avant de répondre le noir ou le blanc.

— Ce ne sont pas des couleurs techniquement mais écris-les quand même. Et toi, Beomgyu ?

— J'dirais le rose.

Je ne m'y attendais pas mais la réponse me convient. Mon voisin de coussins est quelqu'un de très intéressant à découvrir.

— Quels sont vos surnoms? Perso c'est Bamgyu.

— Jinnie. Pour elle, tu notes la Tâche ou la Voyeuse.

A mon tour de lui pincer la cuisse afin qu'il se taise.

— La seule tâche que je vois ici est celle sur ton jean quand tu admires ma beauté transcendante en sachant que tu ne pourras jamais m'avoir.

J'évite sa main qui tente de me claquer les fesses et encaisse le coup sur le flanc.

— O-kay... Va pour... La Voyeuse? Hum. Question suivante : si vous ne deviez emporter qu'une chose sur une île déserte, que serait-elle?

— Un couteau, répond la tomate.

— Vu comment t'es doué, j'emmène avec moi la trousse à pharmacie avant que tu ne meurs d'une septicémie. Quoique non! Je te laisserai souffrir et rigolerai en te montrant la jolie piqûre qui pourrait te sauver que je ne te donnerai pas.

J'esquive la claque dans le dos en me collant à Beomgyu, toujours aussi impassible devant nos enfantillages.

— Si j'suis balancé avec vous et vos objets, je prendrais une casserole. C'est bon pour cuisiner et récolter l'eau de pluie. Et comme vous finirez probablement par vous entretuer, je cuisinerai vos corps.

Sa réflexion me laisse pantoise. Je crois qu'il commence à m'étonner de plus en plus ce troisième colocataire.

— Dernière question pour cette page et cette journée. Enfin c'est une énigme. Combien de gouttes peut-on mettre dans un verre vide?

Je regarde mes coéquipiers comme si mon cerveau tournait à vide. J'avoue que je ne m'étais jamais posée la question.

— C'est quoi ce truc à la con? Attends, montre-moi.

Le chef relit la phrase puis s'agace devant le peu d'informations.

— Mais ça dépend de plein de choses. Est ce qu'on parle d'un verre de taille standard ? Et ce sont des petites gouttes ou de grosses? J'vais prendre deux verres et on fera une moyenne.

— T'es sérieux? Tu vas vraiment t'amuser à compter? Ça doit être dans les mille ou millions? T'en as pour des heures?

— Au moins ça le fera taire, murmure Beomgyu qui me provoque un sourire.

Celle-là, je ne l'avais pas vu venir, ni le concerné. Il m'indique de le rejoindre sur le canapé tandis que notre star national commence son expérience et compte chaque goutte déposée grâce à son doigt. A ce rythme là, je pense qu'on y sera encore demain matin.
Mon voisin de siège se détend et pose son bras sur le dossier, se rapprochant ainsi discrètement de moi.

— Ce n'était pas dans le questionnaire mais, tu es célibataire Meena?

— 26, 27, 26... Raahh putain, je ne sais plus où j'en suis. Faut que je recommence.

Je ne fais pas attention à son langage et poursuis ma conversation.

— Oui. Pourquoi cette question ?

— Oh par curiosité. J'ai envie d'apprendre à te connaître depuis un petit moment, maintenant.

— 10, 11...

— Tu me sembles différentes depuis quelques temps. Plus libérée et ça me plaît. Je voulais que tu le saches.

Je ne savais que pas Beomgyu m'avait remarqué. S'en est troublant. Je dirais même qu'il progresse dans le tableau des beaux gosses que je n'aurai jamais dans ma vie.

— Et puisqu'on est dans la sincérité, je voulais que tu saches que j'avais demandé à être avec toi pour ce weekend. J'espère que ça ne te dérange pas. Je n'imaginais pas que tes copines ne viendraient pas.

— Oh... Je n'en suis pas gênée, ne t'inquiète pas. Je dirais que c'est... Surprenant.

— C'est une occasion unique pour nous de faire connaissance. Je sens que nous avons beaucoup de choses en commun.

— 39, 40, 41, 41, 41, 32...

— Je suis ravi que tu le prennes bien, poursuit-il. Cette configuration, c'est un peu le date rêvé.

— 29, 50... Vous savez que je suis juste à côté et que je vous entends? Y a pas de date là, on vit ensemble une putain aventure de merde avec des gouttes de merde donc merci de vous investir un minimum dans ce travail à la con. Dans l'histoire, on est trois.

— C'est 1.

— Non, je sais compter. Un, deux, trois. Mais oui, il n'y a qu'un cerveau qui chauffe.

— La réponse c'est un. A partir du moment où tu as mis une goutte, le verre n'est plus vide.

Mon visage reflète celui de Hyunjin. Beomgyu nous scotche avec sa réflexion. J'en viens même à me trouver aussi réfléchie qu'une huître.

— Tu le savais et tu m'as laissé compter?

— T'étais tellement mignon à faire mumuse avec l'eau pendant que je m'occupais d'elle.

Hyunjin se renfrogne immédiatement en fusillant du regard la main de mon voisin posée sur mon épaule sans que je ne m'en rende compte. Je me sentais tellement à l'aise dans notre discussion que je n'ai rien vu venir.

— J'crois qu'on peut valider le questionnaire du premier jour. Passons au défi sportif, grogne Hyunjin en poussant nos corps pour prendre possession de l'espace quasi infime entre nous.

Je crois que c'est un défi personnel que de me rendre la vie impossible, mais il met du coeur à l'ouvrage.

Red LightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant