46- Tribunal des coeurs brisés, j'écoute.

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J'ai décidé d'oublier ce cauchemar que je viens de vivre en m'abrutissant de musique jusqu'à m'en briser les tympans. Mes airpods sur les oreilles, le son à fond, je fixe la fenêtre, les jambes étalées dans le canapé. Je n'ai plus envie de rien. Le peu d'espoir que j'avais a été réduit en poussière. Je viens donc de décider que j'arrêtais de m'ouvrir aux autres, tout en sachant que c'est une grosse bêtise.

La main accrochée à la cuillère, je plonge dans ce pot de glace pour noyer mon chagrin.
Que doit-il faire avec elle à cette heure-ci? Non, je ne dois pas y penser. Je me fais du mal et puis je m'en fiche. Hwang Hyunjin est rayé de ma vie. Sa tarée de mère aussi. La fameuse Lia. Et cette fille canon avec qui il m'a remplacée.

J'enfile une nouvelle bouchée et commence à m'étouffer quand j'aperçois deux corps enjamber la fenêtre que je fixe depuis tout à l'heure.
A genoux sur le sol, je tente de retrouver ma respiration mais l'aliment encore compact est passé du mauvais côté. Mes écouteurs en tombent sous les tremblements de mon corps.

— Désolé, on sonne depuis tout à l'heure mais ça ne répond pas et je ne pouvais pas traverser dans l'arbre, me dit l'autre abruti qui rentre dans ma villa comme si c'était chez lui.

L'air commence à me manquer. J'entends un petit sifflement dans ma gorge qui ne m'indique rien de bon. Je crois que ma vie ne tient qu'à un fil.

— Hyunjin, c'est moi ou ta copine a une drôle de tête? Marmonne son date qu'il a honteusement ramené avec lui.

— Ça doit être le choc de notre arrivée. Elle est très mélodramatique, comme fille. Et j'adore ça. Regarde, là, tu vois, elle se retient de sourire.

Je vais le tuer. Après que j'aurais rendu mon dernier souffle, bien entendu... Je me sens blêmir et commence à voir flou. Cet espèce de trou du cul va vraiment me laisser crever en me souriant comme un imbécile?

— Hyunjin... Sa tête m'inquiète...

— Mais non. Meena est quelqu'un de très observatrice. J'suis sûr qu'elle se fait mille et un scénarios en ce moment, et qu'elle m'envoie des signaux de paix.

Peut-être qu'un coup de vase sur la tête lui permettrait de me devancer dans l'au-delà... Ma main tend vers le vide et brasse l'air à la recherche d'un élément contondant pour mon meurtre à venir.

— Putain, elle est en train d'étouffer, dit sa petite amie en se précipitant vers moi.

D'ordinaire, je refuserais qu'elle me touche par fierté mais là, ma seule solution est le cimetière en haut de la ville, donc j'accepte que son amante me délivre de cette satanée boule de glace. Plusieurs coups sont portés au niveau de mes omoplates et je crache l'épais morceau qui s'écrase aussitôt au sol.

— Je...

La bienséance voudrait que je la remercie pour cet acte héroïque mais ma jalousie me pousse à me taire.

— Ça va mieux? S'inquiète Hyunjin en s'accroupissant devant moi.

— C'est pas grâce à toi.

Il grimace devant la vérité puis m'aide à nettoyer le bazar. Les larmes aux yeux sont plus que gênantes mais au moins, il ne peut pas se douter que certaines sont liées à sa situation amoureuse étalée au grand jour.

— On voulait te parler, commence la jolie brune. Est ce que tu es disposée à discuter?

— Je crois qu'il n'y a rien à dire, mis à part que je m'excuse pour t'avoir accusé à tord et que je te souhaite d'être heureux tout en fichant le camp de ma vie.

Hyunjin blêmit de gêne puis prend un visage tristounet en s'asseyant sur le fauteuil. Le savoir près de moi me rend dingue d'amour et de peine. Je souhaiterais tant que cette douleur s'arrête.

— Tu veux vraiment que je sorte de ta vie? Même en sachant que je n'ai rien fait?

— Oui.

— Non, réplique la brune. J'hallucine comment vous êtes autant débiles l'un que l'autre. Sans déconner, si y avait bien deux cons qui étaient destinés l'un à l'autre sur Terre, c'est vous deux vu le niveau auquel j'assiste.

— Lia... Gronde Hyunjin.

— Lia?

La fameuse Lia qui a interrompu notre partie de sexe en me donnant deux minutes pour disparaître de sa vie.
J'aurais dû me douter qu'elle entretenait une histoire amoureuse avec lui. Ce qui signifie qu'il m'a trompée, et qu'il est un sacré co...

— Sa meilleure amie, enchantée, me dit-elle en me tendant la main.

Un sacré collaborateur de l'amour évidemment! Qu'etais-je en train de dire? Je ne m'en souviens plus.

— Tu n'es pas sa dernière conquête ?

— Moi sortir avec ce sous-doué des sentiments? Non merci. Mais je l'épaule pour rattraper ses conneries. Et visiblement, je vais devoir aussi m'occuper des tiennes. Donc, reprenons un peu vos histoires. Toi, tu as cru qu'il t'avait manipulée mais tu l'as jugé sans l'écouter. Tu es donc déclarée coupable. Toi, tu ne t'es pas renseigné sur ce qu'elle vivait, tu n'as même pas pris la peine de te défendre, tu es donc déclaré coupable. Vous êtes donc condamné à rester enfermé pendant deux heures pour faire enfin preuve d'honnêteté. Allez zou, elle est où ta chambre, Meena?

— Euh... En haut.

— Ben on y va. Et toi, l'artichaut, active tes fesses et t'as intérêt à sortir les violons que je l'entende crier.

— Quoi?

Sans que je ne comprenne ce qu'il se passe, nous sommes conduits à ma chambre où la fameuse Lia nous enferme et semble mettre des choses pour bloquer la sortie.

— Je descends dans le salon pour ne pas vous gêner, hurle-t-elle. Je mettrai la télé. Hyunjin, rappelle-toi. Les violons!

Pourquoi lui parle-t-elle de musique?
Le concerné s'assoit sur le lit, tout penaud et regarde ses pieds qui s'agitent. Je crois que nous allons mourir ici si je dois attendre qu'il se décide à parler.

— Je t'écoute.

Il ouvre la bouche, puis la referme en grimaçant. Visiblement, sa phrase d'accroche n'était pas la bonne. Puis il recommence et se ravise à nouveau. J'abandonne et agis tel que mon instinct le dicte.

— Tu es en couple avec elle? Je lui demande pour éliminer tous les doutes parasites qui subsistent dans ma tête.

— Non.

Voilà une bonne chose. Maintenant, on s'occupe du pari.

— Tu m'as manipulée?

— Non.

Je peux donc souffler à nouveau. Place à cette relation particulière que nous avons eu depuis le début.

— As-tu toujours été sincère avec moi?

— Non.

Je hausse les sourcils, comme sous le choc de sa réponse alors que j'attendais une autre mais il attrape ma main pour m'attirer entre ses jambes.

— J'aurais dû te dire dès le départ que tu me rendais dingue et que j'avais des sentiments pour toi.

Je dois ressembler à un poisson desséché avec ma bouche grande ouverte. C'est moi ou le grand Hwang Hyunjin vient de me faire une déclaration ?

— Tu peux répéter?

— Meena, depuis la seconde où je t'ai aperçue, tu as été dans ma tête. C'est simple. Je ne pense qu'à toi, je ne rêve que de toi, je n'ai envie que de toi.

Moi, moi, moi.
Voilà tout ce que j'entends. Comment est ce possible alors qu'on s'est si souvent fait la guerre pendant ces longs jours?

Tout simplement parce que de la haine à l'amour, il n'y a qu'un pas. Et si je dois être honnête, j'ai adoré le détester.

Je décide donc de répondre à son aveu en passant à cheval sur ses cuisses pour me coller à lui et l'embrasser si intensément que perdre le souffle une seconde fois ne me dérange en rien.

Red LightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant