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Sachant que le mercredi est consacré à la pratique physique, je sature d'avance à l'idée que mon cardio soit mis à rude épreuve. Une partie des élèves réalise un cycle d'athlétisme pour travailler l'endurance nécessaire aux chorégraphies et le renforcement des muscles. Sans grande surprise, je n'incarne pas les passionnés de ce sport, mais plutôt ceux toujours à la traine. Mais pour une fois, je ne suis pas la raison de notre attente générale. L'arrivée tardive de la star internationale émoustille les demoiselles lors de l'échauffement et motive les garçons à se montrer sous leur meilleur jour. Une plainte m'empêche de participer à cette dégustation visuelle puisque j'aperçois aussitôt Tess qui se replie pour masser ses orteils. A l'air ravi de la blonde qui s'éloigne de nous, j'en conclus que ce geste avait tout de volontaire. J'envisage de passer à l'offensive, mais Kali négocie la patience du professeur pour permettre à notre amie de se masser le temps que la douleur passe. Les tractations se lancent dans l'organisation des lignes pour le sprint du jour.

— Nous allons travailler votre esprit de cohésion à travers une course mixte. 
— Mais... ça n'existe pas en athlétisme, commente Winter. 
— C'est agréable de voir que votre intervention est pour une fois pertinente, mademoiselle Dose. C'est pour cela que nous allons adapter une course de relai avec des participants des deux sexes. 

Le dernier terme employé provoque l'hilarité de plusieurs lycéens, à l'immaturité flagrante. Les plus compétitifs commencent à jauger les forces de chacun pour constituer l'équipe la plus performante. La moindre activité dans cette académie est un prétexte pour savourer le goût de la victoire. La supériorité des garçons dans notre promotion oblige à former des équipes de trois garçons et d'une fille. J'entends Carter négocier avec Lyam et l'un de ses amis, créant ainsi une union redoutable. Nombreuses sont celles qui les approchent, avec plus ou moins de tact dans les supplications. Pourtant, je les vois me fixer à travers cette foule de cheveux longs, me donnant l'impression de sortir du lot. Je fais de mon mieux pour ne pas dévoiler les rougeurs sur mes joues et me tiens droite, le temps qu'ils viennent jusqu'à moi me faire leur proposition. Mon coeur s'emballe à l'idée que l'on remarque enfin mon existence et je commence à préparer tout un argumentaire afin qu'on enterre momentanément la hache de guerre avec le mannequin. Nous sommes sûrement partis du mauvais pied. Cela peut arriver à tout le monde d'écraser un lycéen calfeutré sous une fenêtre en train de fumer alors qu'on s'échappe de toilettes condamnées. Ma bienveillance me pousse même à concevoir de le raccompagner jusqu'à nos domiciles voisins et à le faire visiter les environs. Los Angeles est connu mondialement pour cette aura jeune et festive, mais c'est aussi une ville qui regorge de beaucoup de merveilles culturelles. Cet endroit respire l'éveil artistique, ce qui pousse de nombreuses familles à envisager un avenir incertain pour leurs enfants, mais à l'impact émotionnel enrichissant. Je commence à éclaircir ma voix et à lui offrir un sourire envoutant, cependant, à défaut de paroles, c'est un courant d'air qui s'abat sur moi tandis que leur chemin les mène jusqu'à Winter. 

— Ca te dit d'être notre quatrième recrue ? propose le jeune homme aux mèches rouges, un sourire flagrant sur les lèvres en ma direction. 

Le souffle et les mots me manquent pour exprimer la rage que je ressens. Ce stupide espoir me paralyse et réduit à néant ma motivation de m'intégrer à un autre quatuor incomplet. Je reste là, stoïque, à m'insurger contre ces œillades qui ne m'étaient pas dédiés et à ma capacité à me laisser emporter par l'émotion. Au coup de sifflet, tous s'organisent pour rendre visible ce gigantesque bazar et s'écartent. Les regards convergent vers moi, dont certains s'accompagnent de ricanements ou de réflexions. Je soupire, presque satisfaite de me savoir épargnée de cette souffrance physique quand trois silhouettes retardataires se rapprochent au pas de course. 

— Messieurs Wade et Wong, doit-on vous féliciter pour votre ponctualité ? 
— On dit bien le meilleur pour la fin ? 
— Je crois que vous devenez les héros de Mademoiselle Jung déprimait à l'idée de courir seule le 400 mètres. Monsieur Fade, échauffez-vous. Un peu de course vous aidera à vider ce qui pèse sur votre estomac. 

Red LightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant