Red Lights

30

Ma bulle de bien-être explose soudainement. L'intimité encore tremblante d'excitation, je peine à canaliser cet agacement d'être dérangée par d'autres qui auraient dû rester à l'écart dans leur maisonnette. Recoiffant mes mèches rebelles du bout de mes doigts, j'en profite pour pousser nos valises contre l'armoire de la chambre que nous allons occuper cette nuit, avant de retrouver la foule intrusive. Installés dans les assises et sur le tapis, je constate la proximité de Winter avec Lyam, alors que Mason est affalé à ses pieds, une bière à la main. 

— T'en veux une, me propose Christopher. 
— Non, merci. Je tiens à rester sobre. Nous avons du boulot devant nous. 
— Quel sérieux, Jung Meena, s'exclame-t-il. Vous devez vous faire chier avec elle, les mecs. 

La moquerie est moins désagréable que le constat de voir mes deux colocataires d'un weekend sourire ou se frotter le visage sans répliquer. J'encaisse la déception en regrettant silencieusement les minutes précédentes, mais ne le montre pas pour autant. Mes pensées ne doivent en rien les aiguiller sur les erreurs que je me promets de ne plus commettre. 

— Vous en êtes où dans le travail demandé ? se renseigne Carter. 
— C'est bon pour le questionnaire. On commençait à travailler la danse, s'exclame Mason dans un calme absolu. 
— Trop bien. File-moi ta feuille, s'enthousiasme Christopher. 
— Tu rêves. Meena a fait tout le boulot, ça ne serait pas cool pour elle. 
— T'es sérieux ? J'croyais qu'on devait s'entraider. 

Les deux sportifs se mettent alors à débattre des exigences qu'implique l'importance de l'amitié et ses devoirs. J'ignore pour quelles raisons Mason m'attribue tout le mérite du questionnaire que nous avons complété ensemble et ne me soucie pas de savoir s'il va être transmis à bien d'autres. Il est de notoriété publique que tout ce qui passe entre les mains de Christopher finit par être négocié et diffusé à grande échelle. 

— Vous avez vraiment hérité de la baraque la plus délabrée, constate Jorin. Le directeur de l'académie va vriller quand il saura dans quelles conditions son petit protégé a été placé. 
— Mon arrivée à Mirror n'a jamais été soumis à des conditions ou privilèges, se défend Lyam. 
— Bien entendu... On te croit. 
— Cesse de faire ta langue de pute, le défend Winter. Lyam, si tu as besoin de te sentir à l'aise, sache que tu es le bienvenu dans la maison une. 
— Et dans son lit !

Un coussin s'élève dans le ciel pour ricocher sur la tête du jeune homme de nature espiègle. Mais au sourire que la jeune femme affiche, les informations ne semblent pas erronées. Lyam ne fait rien pour indiquer un refus ou une gêne, ce qui finit par me convaincre que je ne peux définitivement rien attendre de lui sur le plan de l'exclusivité. Je suis consciente que nous ne nous sommes rien promis, mais nous partageons tant de moments forts que je me laisse stupidement emballer par mes sentiments et mon besoin d'attachement. 

— Est-ce que je peux me servir de vos toilettes ? intervient Carter. 
— Vas-y, c'est au fond. Tu passes les chambres et c'est à côté de la salle de bain. 

Trouvant l'excuse parfaite pour ne plus avoir la déception incarnée sous le nez, je propose de l'accompagner et finis par m'installer sur l'un des deux lits réunis, le temps d'un moment au calme. Regarder ce plafond abîmé n'a rien d'utile, pourtant l'activité se montre captivante. Je préfère compter les fissures dans le bois, plutôt que de déterminer les raisons du ricanement de Winter, bien trop heureuse de l'assistance masculine qui lui est offerte.
La chasse d'eau et le bruit du lavabo interrompent mes scénarios de meurtre, dont le lâcher de serpent prenait une tournure inquiétante, quand l'étudiant modèle frappe contre l'encadrement pour indiquer son entrée dans la pièce. 

— Ça va ? Pas trop difficile, la cohabitation ? 
— Ça aurait pu être pire, soufflé-je en continuant de fixer vers le haut. 
— Dis-toi que tu offres actuellement un répit à la première maison. Ton acte est héroïque. 
— Je m'en souviendrai.