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Mon corps est pris de tremblements que je tente de camoufler malgré la Vodka ingurgitée. Le temps semble s'être arrêté. Différentes attitudes me font face et participent à cet embarras. Je parviens aisément à faire abstraction du groupe de filles populaires, véritable soutien à Winter, de la soudaine attention des garçons de dernière année et du premier de la classe, Carter. Cependant, c'est cette silhouette qui ne devrait pas me porter d'intérêt qui trouble mon calme.

— Je ne joue pas, affirmé-je d'une voix solide pour qu'ils tiennent compte de mon indifférence.

J'adresse un majeur à cette troupe alcoolisée et viens trouver refuge au milieu de l'escalier dans l'espoir de croiser mes amies qui descendraient des chambres. Même si mon envie de quitter les lieux est importante, je ne peux pas les laisser ici et dois prendre sur moi. Je fais fi des cris de provocation et des rires qui me sont adressés, espérant ainsi revenir dans l'ombre, mais le mannequin qui se présente sur la première marche m'indique avoir une tout autre idée en tête. Ses pas en ma direction font battre en rythme les mèches de sa chevelure flamboyante. Je reste hypnotisée par ce genre de beauté qui ne se voit que dans les magazines. Sa peau parfaitement lisse, les angles de son visage bruts et attirants, un regard perçant et un corps qui laisse imaginer des heures incalculables à la salle de sport. Je ne suis pas sûre qu'il soit possible de rêver d'un tel corps tant il me semble irréel. Aucune timidité ou hésitation ne traverse son esprit tandis qu'il grimpe jusqu'à moi et m'oblige à réagir. Je prends appui sur mes coudes pour lui faire face et attends le dernier moment avant de lever ma Converse sur ce qui lui sert à procréer.

— Je te conseille de faire demi-tour si tu espères un jour mettre au monde des mini Dieux.

Mon interlocuteur penche la tête comme s'il réfléchissait à ma menace et esquisse un léger sourire. J'arrive à entendre les souffles erratiques des jeunes filles sous le charme de cette vision parfaite et soupire, ne souhaitant pas livrer bataille devant autant de spectateurs. La troupe de demoiselles volontaires pour ce baiser se presse à sa rencontre au pied de l'escalier et ricane lorsqu'il prononce quelques paroles inaudibles qui me sont destinées.

— Je suis tout à fait de ton avis sur son utilité, s'exclame Winter.

Mon sang ne fait qu'un tour, bouillonnant à l'intérieur. Je considère que mon temps passé en leur présence n'a que trop duré. Les discussions se coupent quand je me lève en réaction à sa provocation. Chacun attend de voir comment je réagirai. Chaque pas contredit mes intentions précédentes. Lorsque j'arrive devant le roi et sa reine, je fais un geste en direction de la blonde qui a aussitôt un mouvement de recul, apeurée par mon regard sombre. Cette simple humiliation me suffit et me permet de poursuivre ma route vers la porte. Winter est un chihuahua qui ne sait qu'aboyer. Ma main approche de la poignée de la porte d'entrée qu'un dernier sifflement agresse mes oreilles.

— Pff. Je savais qu'elle allait rien faire.

J'envoie valser mes résolutions de paix et je pivote pour faire face à celle qui devrait apprendre à se taire. Saisissant le premier verre qui traine, je jette une première salve au visage couvert de couches de fond de teint avant de réserver le restant de liquide à celui qui ne me quitte pas des yeux. Sous ses airs d'être intouchable, il ne vaut pas mieux qu'elle. Chaque goutte s'écoule et imprègne sa magnifique chemise aux boutons du haut détachés. Si sa peau réagit à la fraicheur de l'alcool, il ne le laisse pas transparaitre et ne fait que partager son indifférence. Je m'attends à ce qu'il m'invective ou me repousse, cependant rien ne me retient en passant cette porte.
La fin de soirée me semble interminable, assise sur le gazon, une brique de lait entre les jambes, à subir les rires moqueurs tandis que je désespère de retrouver mes amies. La patience est parfois plus difficile à gérer que l'impulsivité. J'enrage de cette perte d'anonymat suite à une erreur stupide. Kali est la première à me rejoindre, faisant onduler sa robe dorée à paillettes qui met en valeur son teint foncé hérité d'un métissage. Elle attire aussi bien les regards que la sympathie, et semble flotter avec grâce à chaque pas effectué. Je reste très souvent subjuguée par la facilité qu'elle a à s'entendre avec tout le monde, à avoir simplement envie de parler aux gens quand je considère cela comme une perte de temps. Kali est la jolie fille que tout le monde aime et elle le rend bien, trouvant la force de croire à une rédemption pour mon indifférence innée.

Red LightsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant