13. Evrard

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La chance souriait à Evrard. En quelques heures, il avait gagné pas moins de vingt-deux pièces. C'était plus qu'il n'en fallait pour régler ses dernières dettes au tavernier et débuter son voyage.

En fin de matinée, il quitta sa chambre avec son paquetage sur l'épaule. L'aubergiste était derrière son comptoir, absorbé par l'inventaire de ses réserves.

— Tu nous quittes, Chevalier ? demanda-t-il en avisant ses affaires.

— Tu m'as eu sur le dos bien assez longtemps, sourit-il. Je dois poursuivre mon chemin.

Il lui tendit une demi-douzaine de pièces.

— Pour la chambre, précisa-t-il. Et est-il possible d'avoir quelques provisions pour la route ?

— Je vais te trouver ça.

Il disparut dans la cuisine et revint quelques minutes plus tard avec un petit sac en toile.

— Un morceau de pain, du fromage, quelques amendes et un peu de lard fumé, énuméra-t-il en le lui donnant. J'espère que tu n'auras pas de problème sur le chemin.

— Tu t'inquiètes pour moi ? se moqua Evrard.

— On peut dire que tu as su animer mon établissement, répliqua-t-il d'un ton bourru. J'espère que les clients resteront après ton départ.

— Ce n'est pas moi qui les attirais. 

Le tavernier sourit et lui tendit la main.

— Je ne pensais pas dire ça un jour, mais tu vas me manquer, Chevalier.

— Moi aussi, j'ai été très...

La fin de sa phrase mourut sous un fracas de vaisselle. Ils se retournèrent brusquement et virent Héloïse dans l'embrasure de la porte. Elle venait de lâcher son plateau et tout ce qu'elle transportait était brisé à ses pieds. 

— Fais donc attention ! la gronda l'aubergiste. Qui m'a fichue une empotée pareille ! Tu sais combien ça va me coûter tes maladresses ?

Mais Héloïse ne prêta aucune attention à son père. Son regard était entièrement fixé vers Evrard, comme s'il n'y avait que lui dans la pièce.

— Vous partez ? murmura-t-elle, les lèvres tremblantes.

— Oui, avoua-t-il doucement.

Elle pâlit davantage. Il ne savait pas si elle allait s'évanouir ou fondre en larme. Le patriarche les regardait tour à tour, les sourcils froncés, et il préféra mettre un terme à cette situation qui devenait de plus en plus gênante.

— Merci pour tout, marmonna-t-il sans les regarder. Et prenez soin de vous.

Evrard quitta la maison d'un pas vif et se fondit parmi les passants, heureux de pouvoir repartir sur les routes. Mais ces deux-là allaient faire partie de ces nombreuses personnes croisées qui lui laisseront un bon souvenir. 

À peine eut-il fait quelques pas qu'une voix l'interpella :

— Chevalier !

— Oh, Héloïse...soupira-t-il en fermant les yeux.

Il poursuivit son chemin sans se retourner. Elle devait comprendre qu'il ne pouvait pas rester. Héloïse surgit subitement devant lui et lui barra la route de ses bras frêles.

— Je vous en supplie, Chevalier, implora-t-elle, les larmes aux yeux. Je vous en prie, ne partez pas ! Restez avec moi, restez à la taverne !

— Je ne peux pas. Je suis navré, mais je dois vous quitter, ton père et toi. Mais sache que je n'oublierai jamais tout ce que vous avez fait pour moi.

Bandit HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant