47. Evrard

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La nuit était tombée depuis plusieurs heures, et seules les lueurs orangées des flammes éclairaient Catriona et Evrard dans l'obscurité. Même la lune s'était cachée derrière d'épais nuages.

Il n'y avait que les crépitements du bois et une pierre de grès trouvée plus tôt dans la journée, raclant lentement l'acier de son épée, qui se faisaient entendre. Ils n'avaient pas échangé un mot depuis ce qu'il s'était passé dans la rivière. Même si aucun des deux ne semblait vouloir aborder le sujet, il était évident qu'il retenait toutes leurs pensées.

Pendant que le lapin rôtissait doucement au-dessus des flammes, Evrard se remémorait la scène seconde par seconde, geste par geste, baiser après baiser. Ce qui avait commencé par des taquineries enfantines avait très vite évolué en un jeu de séduction, manquant presque de devenir une union charnelle. 

Evrard avait remarqué, - pour la première fois lui semblait-il -, que la lueur qui brillait au fond de ses deux iris ambrées avait changée. C'était cette même étincelle qu'il voyait s'allumer dans les yeux de ses conquêtes lorsque leurs regards le dévisageaient, avec envie et désir. A cet instant, elle le voulait, rien que pour elle.

Catriona avait fait le premier pas et l'avait embrassé. C'était si imprévu et déroutant pour que le Chevalier doive le souligner. Jusqu'à présent, c'était toujours lui qui faisait des avances et lui lançait des remarques suggestives. Sans succès, car à aucun moment la jeune noble ne lui avait paru intéressée. Elle se faisait même un plaisir de l'éconduire et l'insulter à chaque fois.

Mais pas aujourd'hui. Depuis qu'ils s'étaient échappés du domaine de Gauthier, quelque chose avait changé. Leurs échanges n'étaient plus aussi distants qu'au début. Hier encore, jamais elle n'aurait posé ses lèvres sur les siennes, ni glissé ses mains sous sa chemise pour caresser son torse, ni collé son bassin au sien, et encore moins accepté qu'il atteigne son pubis de ses doigts.

La passion les avait submergés, entraînant leurs gestes et leurs mouvements dans une danse sensuelle et lascive. Se désintéressant de ce qui les entouraient, oubliant leur quête, ignorant leurs différences, ils étaient prêts à s'unir, ne devenant plus qu'un homme et une femme emportés par leur ardeur dont l'eau froide du fleuve ne pouvait éteindre le brasier. 

Jusqu'à ce que la raison et l'irréversibilité de leur acte ne fasse reprendre conscience à Catriona et ne la pousse à les arrêter en plein élan. Ses excuses et bafouillements se perdaient dans l'écume du courant et Evrard avait simplement déclaré qu'il comprenait.

L'ennui, c'était qu'il n'avait pas vraiment compris. Cela lui aurait beaucoup plu de conclure leurs ébats en étant profondément fiché en elle. Il n'avait encore jamais pratiqué le coït dans une rivière. Quelle occasion manquée...Son membre en était resté douloureux pendant plus d'une heure après cela. Et de ce qu'il avait vu et sentit, il était évident qu'elle aussi l'aurait voulu.

« Pas tant que cela visiblement. »

Le Chevalier se serait volontiers passé des commentaires narquois de sa conscience. Mais forcé d'admettre qu'un détail lui avait échappé, il avait ressassé cet instant dans sa tête toute la fin de la journée. Toutes les hypothèses avaient défilé, des plus rationnelles aux plus incongrues : s'était-il montré trop brutal ? Aurait-il dû écourter les préliminaires ? Aurait-il dû lui dire « je t'aime » ? Aurait-il dû lui susurrer des mots lubriques pour l'exciter davantage ? Lui jurer qu'il lui ferait oublier son idiot de petit Duc Amaury ? Lui faire une parade nuptiale ? Était-ce un défi qu'elle lui avait lancé pour voir s'il résistait ? 

Evrard s'en serait frappé la tête contre un arbre. Après avoir balayé chacune de ses idées, il avait fini par arriver à la conclusion irréfutable qu'il n'avait rien fait de mal.

Bandit HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant