34. Catriona

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Au grand galop, Catriona filait comme un éclair sur le chemin de terre battu. Elle n'avait pas réfléchi une seule seconde à ce qu'elle allait faire à présent, sans Evrard. S'enfuir n'était sans doute pas la meilleure décision qu'elle ait pris, néanmoins, plus les mètres s'avalaient et plus elle s'éloignait d'Amaury.

Tout se bousculait et se mélangeait dans sa tête. Les mensonges que sa mère avait dit à son ancien fiancé la taraudait. Comment avait-elle pu le laisser croire qu'elle consentait à nouveau à ce mariage ? L'espace d'une seconde, quand il le lui avait dit, son cœur avait raté un battement, mais cela ne concordait certainement pas avec la réalité. Désormais, elle en était persuadée ; sa mère avait bel et bien attenté à sa vie au couvent, ses menaces n'étaient pas que des paroles en l'air et elle avait même osé utiliser Amaury pour la ramener au château.

Le comportement d'Evrard ne faisait qu'accroître sa hargne. Il avait osé se moquer d'elle. Il lui avait fait croire qu'il l'abandonnait alors qu'il était caché derrière un buisson, à rire de sa détresse. Cet homme n'était qu'une brute et un pendard.

Elle jeta un coup d'œil derrière elle avant de talonner Sauvage pour accélérer l'allure pour semer Evrard. Ils bifurquèrent et se faufilèrent dans la forêt, la brune esquiva de justesse une branche, slaloma entre les obstacles avec adresse, mais soudain, sa monture buta brutalement contre une racine. L'étalon trébucha dans un hennissement strident et sous la violence du choc, sa cavalière fût désarçonnée et projetée par-dessus l'encolure, tête la première.

Ils s'étalèrent rudement sur le sol couvert de branchages et de cailloux. Une douleur intense lui irradia les côtes et se propagea le long de son bras et de son coude, tandis qu'un voile noir se déposa fugacement sur ses yeux.

Catriona eut un moment de latence avant de reprendre ses esprits. Sa tête bourdonnait comme si un marteau lui frappait le crâne. Elle bougea légèrement ses jambes, puis ses bras et constata qu'elle n'avait rien de cassé. Passant une main sur l'arrière de ses cheveux, elle s'aperçut qu'elle saignait. Un liquide chaud et poisseux collait ses doigts. Les respirations longues et bruyantes de Sauvage attirèrent son attention, la détournant momentanément de ses propres blessures. Son cheval était étendu dans la boue, incapable de se relever. La noble tenta de se redresser, mais ses côtes endolories lui arrachèrent un cri perçant.

Le besoin de rejoindre son compagnon de route prit l'ascendant sur ses maux et Catriona rampa dans la terre et les branches jusqu'à lui. Elle découvrit avec horreur que Sauvage avait une fracture ouverte à sa patte avant droite. L'angoisse et la souffrance qu'elle pouvait lire dans ses yeux lui brisa le cœur.

Alors que ses hennissements devenaient de plus en plus plaintifs, la jeune femme tenta de le rassurer du mieux qu'elle le pouvait en lui caressant la tête. Une larme roula sur sa joue tandis que la culpabilité lui crispait le cœur.

— Mais qu'est-ce que j'ai fait ? se lamenta-t-elle. Je suis tellement désolée, mon beau.

Ses sanglots devinrent de plus en plus intenses, elle réalisa soudainement qu'elle ne pouvait plus s'évader avec lui, mais elle n'arrivait pas à se résoudre à l'abandonner, bien qu'Amaury soit à ses trousses.

— Je vais t'aider, lui affirma-t-elle, cela ne doit pas être si terrible !

Ses espoirs s'évanouirent et sa tristesse l'emporta lorsque son regard se posa sur la fracture de la pauvre bête et sur l'os visible.

Tout à coup, des bruits de sabots l'alertèrent et elle releva la tête. Evrard apparût. D'un bref coup d'œil, il comprit la situation. Sans un mot, il descendit de son cheval, tira son épée hors de son fourreau, attrapa la tête de Sauvage et, d'un geste vif et précis, lui trancha la gorge sous les yeux horrifiées de Catriona. Elle laissa échapper un long cri plaintif et ses sanglots redoublèrent d'intensité. Elle n'arrivait pas à croire qu'il venait d'assassiner son fidèle animal. Elle n'eût pas le temps de protester que le Chevalier récupérait déjà son paquetage sur la dépouille et la forçait à se relever. Il la souleva par la taille pour l'installer sur sa jument et monta derrière elle.

Bandit HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant