33. Evrard

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Evrard craignait davantage les soldats que le nobliau qui les dirigeait. Son estime pour Amaury De Crozat était déjà moindre après la description que Catriona lui en avait faite, mais à présent qu'il l'avait devant lui, le Chevalier le trouvait franchement antipathique.

L'envie de le frapper se faisait ressentir, mais cela aurait été inconvenant de se livrer à une bataille de coqs devant la jeune femme.

Alors que les gardes le regardaient d'un air hostile, serrant nerveusement leurs armes dans les mains, Catriona s'interposa avant que la situation ne dégénère.

— Va-t'en, insista-t-elle. Respecte mon choix, Amaury.

Voyant que sa dulcinée semblait très décidée, le baronnet changea aussitôt de stratégie :

— Ta mère se fait du souci pour toi. Ton absence lui pèse, elle erre sans but dans le château. Elle n'attend que ton retour et te savoir auprès d'elle. Et puis...elle est d'accord pour qu'on s'unisse. Nous allons nous marier ! ajouta-t-il avec un sourire éclatant.

Evrard se retint de pousser une exclamation moqueuse. Ce blanc-bec ne manquait pas de culot ! Le mensonge était bien trop gros pour être avalé. Mais jetant un rapide coup d'œil à Catriona, il comprit qu'elle avait mordu à l'hameçon. Il voyait l'hésitation dans ses grands yeux sombres, à sa manière de dévisager Amaury. C'était exactement les belles paroles que son cœur voulait entendre et elle était prête à tomber dans le piège.

Et cette fois, Evrard ne pourrait rien faire pour l'en sortir. Et cela le faisait fulminer. 

— Où est la preuve de ce que tu affirmes ? intervint-il d'une voix forte. Qu'est-ce qui lui fait croire que tu n'essayes pas de la duper ?  

Catriona sursauta, comme si elle avait oublié sa présence et lui jeta un coup d'œil inquiet. Mais Amaury ignora sa question et poursuivit :

— Tu es la seule que j'aime, Cathie. J'ai envie de t'épouser, de vivre à tes côtés, d'élever ensemble nos enfants. Je t'offrirais tout ce dont tu rêves, mêmes les choses les plus insensées.

La jeune femme était de plus en plus confuse et reagrda Evrard, comme si elle attendait son approbation.

Cette situation commençait à lui faire perdre patience. Il n'allait quand même pas passer ses journées à lui dire ce qu'elle devait faire ! Catriona était assez grande pour faire ses choix. D'autant plus qu'avec lui, elle ne s'était jamais retenue de lui faire part de son avis, même le plus malavisé. 

— Réfléchissez, déclara-t-il, agacé. Que ferait votre père dans cette situation ?

Elle le contempla avec des yeux ronds.

— Mon père ? répéta-t-elle, interloquée. Pourquoi me parlez-vous de lui ? Rien ne justifie qu'il apparaisse dans cette conversation, cela n'a aucun lien avec moi !

— Bien sûr que si. Je doute que Seumas Loveday voie d'un bon œil que sa fille retombe dans les bras d'un baronnet pédant et souduiant.

— Je ne vous permets pas ! protesta Amaury.

Mais Catriona et Evrard ne lui accordèrent aucune attention. Ils se dévisageaient sans ciller, oubliant ceux qui les entouraient.

— Comment...bafouilla-t-elle, choquée. Comment savez-vous... ?

— Vous devriez arrêter de hurler comme une hystérique que vous êtes la fille du conseiller du roi Jacques V ; les arbres ont des oreilles.

La jeune femme devint écarlate. Elle non plus avait pas oublié sa première journée seule dans la forêt après qu'il l'ait quitté.

— Vous m'avez entendue ? Vous m'avez regardé me donner en spectacle sans me venir en aide ? Cela vous a beaucoup amusé, n'est-ce pas ? cracha-t-elle. 

— C'est vous-même qui prétendiez pouvoir vous débrouiller seule, se défendit le Chevalier. Je souhaitais en avoir la confirmation. Je ne m'attendais pas à ce que vous vous épanchiez sur votre vie !

— Evrard Le Gall...murmura-t-elle, la voix frémissante de colère. Si vous ne m'étiez pas aussi nécessaire à mon voyage, je vous étranglerais !

— Si ce pouilleux t'importune, je peux lui régler son compte, intervint le nobliau.

Il semblait déterminé et impatient de reconquérir le cœur de sa belle et de transpercer Evrard avec son épée.

— Cette histoire ne te concerne pas ! le rabroua-t-elle. Rentre à la Cour, et laisse-moi partir.   

Au moment où il s'apprêtait à contester, un garde derrière lui s'impatienta :

— Monsieur, nous devrions mettre un terme à cette conversation sans fin. Quelle que soit la décision de votre fiancée, Dame d'Usez nous a ordonné de la lui ramener. Elle doit nous suivre.

Evrard ne connaissait pas cette femme, mais à l'évocation de son nom, Catriona poussa une exclamation furieuse.

— Je le savais ! s'emporta-t-elle. Amaury de Crozat, tu n'es qu'un pleutre ! Tu n'es pas venu pour me reconquérir, tu n'es là que parce que ma mère t'en as donné l'ordre ! Si elle ne t'avait rien demandé, il ne te serait même pas venu à l'esprit de venir me chercher, avoue-le !

Amaury avait la même expression que si Catriona l'avait giflé.

— Ce n'est pas cela ! démentit-il avec fougue. Ta mère est vraiment inquiète de te savoir seule sur les routes...

— Comme tu peux le constater, je ne le suis pas, coupa-t-elle sèchement en désignant Evrard.

Une fois de plus, le noble ne lui accorda aucune attention.

— Cathie... Oui, Dame d'Usez m'a demandé de partir à ta recherche, mais cela ne change rien aux sentiments que j'éprouve pour toi...

— Tais-toi ! hurla-t-elle.

Elle leur tourna le dos et enfouit son visage dans l'encolure de son cheval. En la voyant ainsi démunie, Evrard eut de la peine pour elle. Il s'en voulu d'avoir été aussi dur. Après tout, Catriona n'était qu'une enfant blessée. À cet instant, il avait envie de la prendre dans ses bras pour la réconforter, mais avant qu'il n'ait le temps de faire un pas dans sa direction, elle enfourcha sa monture d'un geste vif et le lança au galop sur la route, sans un regard en arrière.

« Mais qu'est-ce qu'elle est encore en train de me faire ? » pesta le Chevalier en son for intérieur.

Tandis qu'Amaury De Crozat contemplait bouche bée sa dulcinée s'éloigner, Evrard profita de son hébétement pour sauter sur son propre cheval et se précipiter à la poursuite de Catriona.

Tandis qu'Amaury De Crozat contemplait bouche bée sa dulcinée s'éloigner, Evrard profita de son hébétement pour sauter sur son propre cheval et se précipiter à la poursuite de Catriona

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Kratzouille29 & Nikkih

Bandit HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant