17. Evrard

488 59 51
                                    

Evrard fit lentement le tour de son cachot. Il ne disposait d'aucun mobilier. Certes, il ne s'attendait pas à pouvoir se reposer dans un lit avec des couvertures, mais il avait quand même espéré un peu de paille pour se constituer une couchette.

Partout où il posait son regard, il ne tombait que sur des murs froids. La minuscule lucarne munie de barreaux laissait à peine entrevoir la lumière du jour et les grilles de sa cellule étaient aussi austères que le reste.

— C'est donc ici que tu vas finir tes jours, soupira-t-il pour lui-même.

Il voulut se gratter la nuque, mais une douleur fulgurante le fit grimacer. Ses plaies au torse et au dos l'assaillaient à chaque mouvement d'épaule. Le soldat n'y était pas allé de main morte.

Le Chevalier ignorait combien de temps il était resté évanoui. Mais à son réveil, il s'était appliqué, tant bien que mal, à panser ses plaies.

« Mourir d'une infection quelques jours avant son exécution ne serait pas très courtois » ironisa-t-il mentalement.

Evrard disposait d'un peu d'eau dans une cruche. Le liquide était trouble, mais c'était toujours mieux que rien. Ses souvenirs des batailles passées lui rappelaient quelles souffrances atroces l'attendaient s'il ne nettoyait pas ses blessures. Il dû se contorsionner en serrant les dents pour s'occuper de celles qui lézardaient son dos. Il doutait de son efficacité, mais difficile d'en faire plus dans un cachot, sans quiconque pour l'aider.

Assis par terre, Evrard contempla tristement le plafond. Que n'aurait-il pas donné pour une chope de bière et un paquet de cartes ! Les gardes lui avaient confisqué son paquetage, ses vivres et son jeu. Sans compagnie et sans alcool, sa seule occupation se réduisait à penser à son exécution future.

Il avait déjà assisté à ce genre de festivités, et plus d'une fois il s'était imaginé à la place des suppliciés. La foule était odieuse avec eux, elle les insultait, leur lançaient des détritus, les frappaient même, parfois. Lui-même n'échapperait pas à ces humiliations.  

Le Chevalier passa une main nerveuse sur sa gorge, sentant déjà le chanvre de la corde s'enrouler autour, lui griffer la peau et l'étouffer jusqu'à ce que la vie quitte son corps. Il espérait que ce sera rapide.

Il se leva prudemment et tordit le cou pour tenter d'apercevoir quelqu'un dans le couloir à travers les barreaux de son cachot. Mais personne ne vint le voir. Le monde entier semblait s'être désintéressé de lui. Même si cela l'attristait, il n'en était pas surpris. Qui viendrait ? Si c'était le tavernier, ce serait pour l'étrangler de ses propres mains. Quant à Athaniel, Jaquelin, Clébert et Fauvel, ils n'allaient certainement pas montrer le moindre signe d'amitié envers un homme accusé de viol, même si les bateliers le croyaient innocent. Même Florie ne viendrait pas.

De dépit, il donna un coup de pied dans les barreaux :

— Mordiable ! jura-t-il à pleins poumons.

Il se prit la tête dans les mains. La douleur le rendait furieux et amer. Il avait été torturé comme un chien galeux, et allait être pendu sur la place publique pour un crime qu'il n'avait pas commis. Cette pensée le révoltait.

— Idiote d'Héloïse ! pesta-t-il. Et idiot de toi ! Voilà où ton égo a fini par te conduire !

Rien de tout cela ne serait arrivé s'il avait éconduit la passionnée et influençable adolescente dès le début. Et il serait encore libre si cette gourde de petite noble était restée tranquillement à sa place. S'il n'avait pas été obligé de la sauver de ces deux brutes, Evrard n'aurait pas été obligé d'écourter son séjour à Amboise et aurait poursuivi sa vie, entre parties de cartes, beuveries et frivolités, avec nulle autre préoccupation que d'éviter les patrouilles et de savoir comment il allait manger le soir.

Bandit HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant