49. Evrard

475 48 6
                                    

Le temps devint changeant, s'obscurcissant au fur et à mesure qu'ils engloutissaient de la distance. Les nuages prirent des teintes menaçantes de gris et de noir. Le vent se leva, balayant la poussière et secouant les branches les plus frêles des arbres. Les oreilles de leur monture pointaient dangereusement vers l'avant et elle renâclait de plus en plus souvent sur son mord.

— Nous devons nous arrêter, informa Evrard en se penchant légèrement sur Catriona. La tempête va nous tomber dessus, et le cheval devient trop nerveux.

— D'accord, opina-t-elle.

Il fit arrêter leur destrier et sauta à terre. Galamment, il tendit les bras vers Catriona pour l'aider à descendre. La jeune femme posa ses mains sur ses épaules, et les siennes se refermèrent sur ses hanches fines. Elle atterrit devant lui avec la délicatesse d'une plume et leurs regards se croisèrent. Une tension fiévreuse et avide se dégageait de cet échange silencieux. Evrard avait toujours ses doigts posés sur elle, il sentait la chaleur de son corps à travers le tissu de sa robe. Elle était si proche qu'il n'avait qu'à incliner la tête pour l'embrasser à nouveau.

Mais une gouttelette glacée heurta sa nuque et la réalité lui revint de plein fouet.

— Il nous faut un abri, déclara-t-il en la relâchant précipitamment.

Il attrapa les rênes et entraîna le cheval dans les bois. Les arbres touffus les protégeaient un peu du vent, mais n'empêchaient pas de grosses gouttes de pluie de heurter les feuilles mortes qui jonchaient le sol.

— Réfugiez-vous sous ce hêtre pendant que je construis notre campement.

Le temps jouait contre lui. Le Chevalier rassembla un large fagot de bois mort et sec pour le feu, et le déposa à côté de Catriona, à l'abri. Sans attendre, il commença à construire une cabane de fortune avec les branches qu'il trouvait à terre. S'aidant de son épée, il les coupa en plusieurs dimensions, les plus longues et robustes servant pour la charpente de son édifice. Il érigea ainsi un toit entre deux troncs d'arbres, qu'il recouvrit ensuite de branches de sapin et de mousse.

Tandis qu'il s'acharnait sur son travail, la pluie tombait de plus en plus dru, et il demanda à Catriona de venir s'abriter juste au moment où une véritable averse les atteignit.

— Est-ce que cela teindra ? s'inquiéta-t-elle en levant les yeux vers le toit.

— C'est solide, lui assura-t-il.

L'espace leur permettait de tenir à deux sous le couvert, mais uniquement en position assise. Evrard prit quelques petites branches du fagot qu'il avait confectionné au préalable et s'activa à préparer un feu. S'ils étaient abrités de la pluie, le vent qui soufflait ne lui facilita pas la tâche. Après une bonne demi-heure à grommeler tous les jurons de son vocabulaire et s'acharner sur ces brindilles, de minuscules flammes s'élevèrent timidement, jusqu'à grandir et s'épaissir. Les deux compagnons approchèrent leurs mains et leurs pieds détrempés avec bonheur de cette source de chaleur.

— Vous êtes plein de ressources, le complimenta Catriona en frictionnant ses mains avec reconnaissance. Faire un abri en des temps aussi brefs, c'est un exploit !

— Ce n'est pas la meilleure que j'ai faite, répondit-il modestement, même si l'éloge lui réchauffa le cœur. Mais nous y passerons la nuit au sec.

— C'est le plus important.

Pelotonnés près de leur feu, ils restèrent silencieux de longues minutes tandis que l'obscurité s'épaississait au-dehors.

— Vous pensez que c'est grave ?

— Quoi donc ?

— La blessure du Roi...Vous pensez qu'il va s'en remettre ?

Bandit HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant