Bandit Heart

21. Evrard

Evrard faisait les cent pas dans son cachot, nerveux. Pour la vingtième fois en quelques minutes, il s'approcha de la grille et tordit le cou pour tenter d'apercevoir la jeune noble, mais le couloir demeurait désespérément désert.

Il commençait à se demander si elle avait réussi sa mission, admettant que c'était très culotté de sa part de lui avoir demandé d'aller trouver Florie. Il n'était pas sûr que cette dernière accepte de les aider. Le Chevalier connaissait bien son tempérament et si elle le croyait coupable comme tous les habitants d'Amboise, la jeune noble risquait de se faire jeter dehors tête la première.

Mais justement, Florie n'était pas comme tout le monde. Du moins l'espérait-il. En huit mois de fréquentation, elle le connaissait. Elle devait se douter qu'il n'ait pas pu commettre le crime dont on l'accusait.

Evrard réalisa que cela faisait un bon moment que les gardes n'étaient plus passés devant sa cellule. D'ordinaire, ils faisaient leur ronde régulièrement et ne manquaient pas à chaque fois de lui lancer un commentaire sur son sinistre sort. Il ne savait pas s'il devait considérer cette information comme une bonne ou mauvaise nouvelle.

— Mordiable, jura-t-il entre ses dents.

Il ne supportait pas d'être tenu dans l'ignorance. À l'époque où il bataillait dans l'armée, il ne montait jamais de plan sans envisager tous les risques et les possibilités. Malheureusement, il n'avait pas eu le temps d'en trouver un qui soit irréprochable à transmettre à la Noble. Le garde était apparu quelques secondes plus tard et lui avait ordonné de partir avant que quelqu'un ne la surprenne. La jeune femme avait juste eu le temps de lui accorder un discret hochement de tête, comme pour lui signifier qu'elle s'occupait de tout.

Malgré la détermination évidente qu'elle avait démontrée, le Chevalier ne pouvait s'empêcher de douter de sa réussite. Elle était trop inexpérimentée, trop naïve, trop fragile, et le plan comportait beaucoup trop de failles.

Evrard tendit soudain l'oreille. Des pas rapides se faisaient entendre. Ils résonnaient étrangement dans les couloirs, feutrés et légers. Ce n'était pas le son balourd des grosses bottes des gardes. Pourtant, il discernait le cliquetis métallique caractéristique des armes.

La jeune dame arriva précipitamment devant la grille de son cachot. Elle dérapa et failli s'encoubler dans sa robe, mais elle se rattrapa aux grilles. Son visage exprimait un sentiment de triomphe lorsqu'elle secoua sous son nez le trousseau de clés.

— Vous allez pouvoir sortir de là, annonça-t-elle avec fierté.

— Mes félicitations, la complimenta-t-il, sincèrement soulagé et impressionné.

Elle inséra la clé dans la serrure et la porte s'ouvrit dans un grincement libérateur.

— Nous n'avons pas beaucoup de temps, l'informa-t-elle rapidement. Florie est encore avec les gardes, mais elle n'arrivera pas à les distraire très longtemps.

— Vous avez donc réussi à la convaincre ?

— J'ai cru comprendre qu'elle avait beaucoup d'affection pour vous, répliqua-t-elle en lui lançant un regard désapprobateur.

Evrard ressentit un élan de tendresse pour la ribaude.

— Elle va me manquer, soupira-t-il.

— Vous aussi vous allez lui manquer, déclara-t-elle de mauvaise grâce. Elle m'a demandé de vous embrasser de se part.

— Vraiment ? susurra-t-il avec un sourire charmeur.

— N'y pensez même pas !

Elle lui lança brutalement son paquetage dans les bras.