64. Catriona

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Le fleuve recracha le corps inanimé de Catriona. Son teint, cadavérique, était en accord parfait avec la plage de graviers. Bien que les réflexes de survies persistassent encore un peu, la jeune femme se sentait progressivement partir. Vidée de toute émotion, de tous ses maux, elle disparaissait dans le néant jusqu'à bientôt rejoindre l'infini. Sa lente agonie l'avait éreinté, l'attente ne serait plus très longue avant de s'en aller pour effectuer son dernier voyage.

Ses forces s'amenuisaient encore et encore, mais elle n'avait pas peur. Elle était confiante, prête à perdre la vie malgré son jeune âge. Prête à s'éteindre, comme la flamme d'une bougie dont la cire s'était consumée. Trop vite.

Elle avait pourtant un regret, celui de ne plus jamais pouvoir regarder le visage d'Evrard. Elle tentait vainement de l'imaginer dans ses pensées, une dernière fois, mais elle était trop faible, mourante.

Contre toute attente, une quinte de toux s'empara d'elle, brûlant ses poumons et sa trachée, un filet d'eau claire sortit de sa bouche et glissa lentement sur sa joue. Une douleur vive parcourut subitement ses membres les uns après les autres et un grelottement incontrôlable s'appropria de son corps en entier. La mort s'éloignait, mais la souffrance qu'elle endurait à présent était si intense qu'elle la supplia de revenir.

Puis vint la peur. Bien que son corps fût inerte, son esprit était coincé dans une paralysie qui la dévorait de l'intérieur.

Catriona tenta vainement de bouger ses doigts, mais ils restèrent insensibles. A présent, la terreur s'attaqua à sa conscience. Elle voulut se battre. A chaque infime inspiration et expiration, sa cage thoracique lui infligeait une douleur aigüe, indescriptible et ses poumons s'irradiaient. Sans vraiment savoir pourquoi, prendre une respiration lui était impossible et plus elle essayait et plus le goût ferrugineux du sang envahissait sa bouche. Son bassin lui donna la sensation de se rompre en deux et un bourdonnement dans ses oreilles l'invectiva. Dans le dos, les arrêtes des cailloux appuyaient douloureusement sur sa colonne vertébrale, des vagues glaciales martelaient ses pieds déjà congelés, figeant son sang dans ses veines.

Résolument, elle voulait mourir pour ne plus ressentir aucune douleur. Tant pis si cela voulait dire qu'elle ne reverrait plus jamais le visage d'Evrard. Catriona décida d'abandonner. De lâcher prise.

Elle ne savait pas si c'était la crainte, la torture que son enveloppe charnelle lui faisait subir, la transe dans laquelle elle était plongée, ou simplement ses oreilles qui la trahissait pour la soulager dans cette ultime épreuve, mais le sol se mit à vibrer autour d'elle, puis des bruits de bottes arpentèrent le rivage. Une larme incontrôlable s'échappa de son œil et traça un sillon sur sa tempe avant de rejoindre son oreille pour s'y glisser.

Qu'importe qui était là et s'il était vraiment là, elle était soulagée de ne plus être seule pour mourir. Une seconde larme, de consolation cette fois-ci, suivit la première. Et lorsqu'elle crut entendre son prénom dans un lointain écho, elle remercia la mort de lui ramener un soupçon d'Evrard dans ses derniers moments sur terre.

Mais soudain, ses épaules s'arrachèrent brusquement du sol, un gémissement de douleur inaudible franchit ses lèvres gercées par le froid. Ses blessures étaient encore bien plus insupportables, maintenant en mouvement. Deux bras robustes la serrèrent contre un torse bouillant, brûlant presque sa joue transie de froid. Elle avait tenté d'ouvrir les yeux, mais il n'y avait qu'un voile noir qui s'étendait à perte de vue devant elle. Le poids de sa tête, qui tirait sa nuque sur l'arrière, la foudroyait tel un éclair s'abattant sur un arbre. Une main, grande et rugueuse, lui caressa la joue d'un geste doux, mais Catriona put ressentir une agitation émaner de son protecteur, alors qu'un souffle lui chatouillait l'oreille. Une respiration rapide, angoissante bombait son torse puissant, toujours collé contre elle.

Cette fois-ci, les bourdonnements avaient cessé, son ouï revenait petit à petit et elle entendit son nom. Cette voix, elle la reconnaitrait parmi toutes.

C'était celle d'Evrard.

Elle se recentra alors sur sa vision, fixa devant elle, espérant voir son guide, mais tout resta flou. Soudain, un mal de crâne, comme si un couteau s'y était logé, se joignit dans les maux et prise d'un vertige, peut-être définitif, la noble se sentit partir.

Sa cage thoracique se souleva une dernière fois. Un dernier spasme parcourut sa colonne vertébrale. Un dernier souffle se faufila en dehors de sa bouche.

Et comme dans un rêve, elle sombra dans le néant.

Et comme dans un rêve, elle sombra dans le néant

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Nikkihlous & Kratzouille29

Bonne année !

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