27. Evrard

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Evrard était redevenu complètement sobre. Il s'étonnait à chaque fois de la facilité avec laquelle son corps parvenait à accélérer la dissipation de l'alcool dans ses veines.

Une fois de plus, cela avait été plus fort que lui. Le Chevalier avait passé une nuit comme il n'en n'avait plus vécu depuis des mois. Ses plaies l'avaient fait souffrir le martyr, la bise s'était levée, le glaçant jusqu'aux os, malgré son abri de fortune. Plus d'une fois, l'idée de faire un feu lui passa par la tête, mais il s'y refusa. Il était en fuite et la lueur orangée se verrait à plusieurs centaines de mètres à la ronde. Il ne comptait pas se faire cueillir par les gardes royaux comme une pomme bien mûre.

Aussi, lorsque le Chevalier s'était levé de bon matin, le corps fourbu, et que son regard s'était posé sur l'auberge, il n'avait pas résisté à la tentation. C'était puéril de sa part. Et hypocrite après en avoir fait le reproche à Catriona. Mais cela faisait deux jours qu'il n'avait plus bu une goutte d'alcool, et l'envie de tremper les lèvres dans une grande chope de bière le poussa à la témérité.

Evrard s'était rendu jusqu'à l'auberge, avait attaché son cheval devant l'écurie et s'était installé à une table éloignée du comptoir. Le tavernier lui avait pris sa commande et après une seconde d'hésitation, Evrard avait commandé une bière.

« Une seule » avait-il pensé pour dissiper la culpabilité. « Une seule, en attendant que la petite princesse daigne descendre. »

Seulement, Catriona Loveday n'était pas une femme à se lever aux aurores. Il avait donc bu bien plus d'une chope. Si le paiement l'avait d'abord inquiété, il n'en fut plus rien dès lors qu'il trouva un partenaire de jeu avec qui disputer quelques parties de cartes. Et plus il remportait de mises, plus il buvait. Jusqu'à ne plus gagner assez d'argent, obligeant Catriona à payer ses dernières consommations. 

Il aurait pu lui montrer sa reconnaissance si elle n'avait pas tempêté contre lui et traité de tous les noms d'oiseaux. Pire, elle s'était moqué de lui. Bien que vexé, il ne pouvait empêcher ses remarques cinglantes de faire leur chemin dans sa tête. Le Chevalier ne le lui aurait jamais avoué, mais il devait bien admettre qu'elle n'avait pas vraiment tort. À ses côtés, il ressemblait davantage à un chien errant qu'à un noble Chevalier. Sans doute devrait-il faire plus souvent appel à la raison s'il comptait la conduire jusqu'à sa destination. 

À présent, il ouvrait la marche, précédent la jeune noble de quelques mètres.

— Quelle direction empruntons-nous ? demanda-t-elle dans son dos.

— A quel port souhaitez-vous débarquer en Écosse ?

— Celui d'Edinbourg.

— Edinbourg...répéta-t-il d'un ton songeur. Dans ce cas, il nous faut atteindre Dunkerque. De là, nous trouverons un bateau qui nous conduira jusqu'à destination.

— Ce sera possible ?

— Possible, oui. Facile, non.

— Pourquoi ? demanda-t-elle avec inquiétude.

— Il n'y a pas dix mille routes qui mènent à Dunkerque...

— Ce qui semble vous inquiéter.

— En effet.

— C'est à cause de ce que vous avez fait ?

Le Chevalier immobilisa son cheval et se retourna sur sa selle pour planter son regard dans le sien.

— Que savez-vous de ce que j'ai pu faire ou non ?

Son ton était si tranchant qu'instinctivement, elle rentra la tête dans ses épaules.

Bandit HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant