40. Catriona

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Bien que la jeune femme vît qu'Evrard ne touchait pas au repas, cette délicieuse odeur de rôti, d'ail, de marjolaine et de noix attisa ses papilles, elle céda aux caprices de son estomac et se servit. Au centre de la table, d'autres mets étaient à leur disposition dont de la tourte dans laquelle Gauthier plongea ses doigts pour en mettre dans son assiette, puis déchiqueta une poularde en deux et planta son couteau de chasse dans la chair d'un sanglier.

— De quelle famille venez-vous, très chère ? demanda-t-il la bouche pleine.

Devant ce spectacle écœurant, Catriona ne put que formuler une réponse évasive.

— Je suis la fiancée du Duc Amaury de Crozat, marmonna-t-elle du bout des lèvres.

Du coin de l'œil, elle vit Rodolphe esquisser un sourire qui n'augurait rien de bon. Elle le regarda d'un air circonspect, mais il se contenta de boire dans son verre comme si de rien n'était.

— Oh ! Je le connais bien, reprit Gauthier. Son père est mort il y a de cela un an, si mes souvenirs sont bons.

— En effet.

— Vous vous êtes trouvé un excellent parti, susurra-t-il. Vous êtes bien plus perspicace que vous le laissez paraître au premier regard.

Catriona se repositionna sur son siège en baissant les yeux sur son assiette. Elle ne voulait pas lui donner l'occasion de voir que sa remarque l'avait touché dans son égo. Plus le repas se déroulait, plus la jeune femme se réjouissait de rejoindre ses appartements au plus vite. Son hôte n'était pas odieux qu'avec Evrard ou sa femme, mais également avec tous ceux qui le côtoyaient.

Elle risqua un coup d'œil en direction de son compagnon de route. Il n'avait toujours rien touché du festin qui s'étalait devant lui, bien que la faim doive être présente. Depuis qu'il était de retour, une ombre ne cessait de planer sur son visage. Catriona eu envie de le prendre dans ses bras pour lui témoigner son soutien. Discrètement, sans éveiller les soupçons de Rodolphe assis en face d'elle, son regard survola la pièce, réfléchissant au moyen par lequel ils pouvaient se sortir de cette impasse. Peut-être pouvaient-ils sauter par la fenêtre ? Ou atteindre une des lames accrochées aux murs ? Elle croisa le regard d'Evrard, et prise d'une idée soudaine, tenta de lui exprimer silencieusement son plan en désignant les armes. Il fronça légèrement les sourcils et suivit son regard. Mais quand il reporta son attention devant lui, il esquissa un bref hochement de tête en signe de dénégation. « trop risqué », comprit-elle. Mais la jeune femme ne renonça pas et se promit de réfléchir sérieusement à toutes les méthodes possibles pour qu'ils puissent s'échapper.

— Le Duc est souffrant ? demanda subitement Rodolphe, prenant la parole pour la première fois.

Catriona fronça les sourcils.

— Pas à ma connaissance, répondit-elle d'une voix sèche.

— Pourtant, sa santé doit être terriblement atteinte pour ne pas avoir pu vous accompagner dans votre voyage, insista-t-il d'un ton doucereux.

Ses doigts se crispèrent fugacement sur l'accoudoir.

— Je vous assure qu'Amaury De Crozat se porte bien, asséna-t-elle distinctement.

— Puisque vous en avez la certitude...

Evrard, Gauthier et Néline suivirent leur échange, interloqués.

— Pourquoi cet intérêt pour le Duc ? intervint le seigneur en plissant les yeux, soupçonneux.

— Une simple question de courtoisie envers notre délicieuse invitée, répondit le mercenaire en haussant les épaules.

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