32. Catriona

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Respirant l'air matinal pur, chargé du parfum de l'herbe fraichement coupée et mise à séché, Catriona se baissa pour ramasser une fleur qui avait attiré son attention. Sa couleur jaune lui rappela l'Écosse et ses fortes senteurs des Stirling ; un mélange de bruyère, de sauge, de genêt et l'odeur du feu de bois qu'émanait de la propriété de son défunt père. Elle repensa aux longues journées durant lesquelles Lady Byron, sa tante et gouvernante, lui avait enseigné le français, l'espagnol, l'italien, le scots ou encore l'anglais sur la plage de galets, non loin de Loveday Hall. La brise s'emparait du papier qui s'envolait dans un tourbillon incessant que sa tante avait bien du mal à contenir.

Un sourire se dégagea de son visage, alors qu'une boucle de cheveux s'invita sur son front, se balançant au gré du vent devant ses grands yeux bruns. Du bout du doigt, elle la replaça derrière son oreille, continuant à songer sur son passé. Catriona n'avait que très peu de souvenirs de son pays natal, elle qui l'avait quitté à ses dix ans pour la Cour de France, mais elle chérissait le peu de fragments qui lui restait.

— Qu'a-t-elle de si spéciale pour qu'elle vous fasse sourire aussi bêtement ? demanda une voix grave et chaleureuse qu'elle reconnut immédiatement.

Ses yeux se levèrent sur son guide.

— Rien...assura-t-elle. Elle n'a rien.

Dans un soupir, il esquissa un rictus moqueur.

— Dans ce cas, nous ferions mieux de partir au plus vite.

— Nous n'irons nulle part avant que je ne me sois changée.

Il leva les yeux vers le ciel.

— Soit, faites donc pendant que je selle les chevaux.

Catriona entra dans la chaumière. Ses vêtements, pliés soigneusement sur la table, étaient encore légèrement humides, mais avaient repris leurs teintes initiales. La brune enfila les différentes pièces et les attacha avec les rubans avant de rejoindre Evrard à l'extérieur où il l'attendait en compagnie du paysan. A sa vue, le vieil homme lui tendit un petit panier d'osier.

— Pour la route, précisa-t-il. Ma femme l'a préparé ce matin avant de partir au village.

— Vous la remercierez de notre part, répondit Catriona en donnant le panier à Evrard, qui l'attacha à l'arrière de la selle de sa jument.

— C'est entendu.

— Vous êtes prête ? demanda le Chevalier.

— Oui.

Alors qu'ils s'apprêtaient à monter sur leurs montures, une douzaine de cavaliers surgirent sur le chemin en terre battu, faisant voler la poussière dans leur sillage. Même de loin, Catriona reconnût immédiatement l'homme qui les menait. La stupeur la cloua sur place.

— Amaury ? chuchota-t-elle, ébahie.

— Qui donc ?

— Mon ancien fiancé.

Le visage d'Evrard s'assombrit subitement.

— Mordiable, comme si nous n'avions pas déjà assez de problèmes comme cela.

La troupe s'immobilisa devant eux. Amaury descendit élégamment de sa monture et se précipita vers Catriona pour l'enlacer. Surprise, son corps se raidit. Bien qu'il dût être sur la route depuis aussi longtemps qu'elle, son parfum, cette odeur boisée de cèdre et de vétiver qu'elle adorait tant, s'invita dans son nez. Les yeux clos, la brune prit le temps de le humer discrètement. Mais très vite, les mains froides de son ancien fiancé se posèrent subtilement sur ses joues et son souffle chaud s'intensifia dans son cou. A contre-cœur, elle mit fin à cette étreinte en le repoussant poliment.

— Que fais-tu donc ici ? s'enquit-elle.

Amaury eut l'air confus ; ce n'était visiblement pas le comportement qu'il s'attendait à voir en la retrouvant.

— Je te cherchais partout, Cathie. J'étais inquiet pour toi.

— Tu n'avais pas besoin de t'en faire, comme tu peux le constater, je vais assez bien, répartit-elle en levant le menton avec présomption.

— Qui est-ce ? cracha-t-il d'un ton amer, le front plissé, en désignant Evrard.

— Juste son humble guide, Monsieur, répondit ce dernier d'un ton insolent.

D'un geste qui se voulait méprisant, Amaury jeta quelques pièces aux pieds du Chevalier.

— Merci, mais elle n'aura plus besoin de vos services, ma fiancée vient avec moi.

— Je ne rentrerai pas avec toi. Je n'irais pas à la Cour, déclara-t-elle, reculant de quelques pas dans la direction d'Evrard.

— Et pourquoi donc ?

— Tu le sais très bien.

La mine déconfite, son regard se planta sur le sol dans un soupir lugubre.

— Cesse donc tes caprices, s'il te plaît, asséna-t-il. Il faut que tu retournes au château avec moi. Je n'ai été qu'un idiot, je l'avoue, mais tu dois rentrer maintenant.

Son ton était poignant, mais ne désarçonna pas pour autant la jeune femme.

— Qu'est-ce que cela m'apporterait si je rentrais avec toi ? Tu as répudié tes sentiments à mon égard... si tant est qu'il y en avait.

Sa voix se brisa. Elle ressentait une grande déception et ne souhaitait pas lui pardonner sa conduite.

— Cathie...

— Vois ce qu'elles ont fait de nous, nous étions leurs pantins...

— Comment peux-tu dire cela ? J'ai grandi avec toi, nous avons ris ensemble, j'ai compati à ta douleur, je t'ai soutenu, et tu sais que je t'aime !

— C'est faux, tu m'as rejeté comme un vulgaire chiffon, nia-t-elle rudement. Tu ne m'as pas soutenu, tes mots n'étaient que du baratin à mon égard.

Elle se réfugia derrière Evrard qui affichait à présent un sourire goguenard sur les lèvres, visiblement amusé de la situation, tandis qu'Amaury prit une grande inspiration.

— Et quel est ton plan maintenant ? Que comptes-tu faire ?

— Tu ferais mieux de partir, l'ami, déclara Evrard. Tu vois bien que la belle ne veut plus de toi.

Ses poings se serra sous les menaces du Chevalier. Ses joues se raidirent et des rides se creusèrent sur son front.

— Vous devriez vous taire, ce ne sont pas vos histoires, gronda Amaury, qui donnait l'impression d'être prêt à lui sauter dessus.

— Ce n'est pas à vous que je dois rendre des comptes, mais à elle. Et je l'emmènerai jusqu'à la destination qu'elle aura choisi.

Sanscrier gare, Amaury franchit la distance qui les séparait en deux enjambés et attrapa fermement le bras de Catriona pour l'entraîner à sa suite. Avant qu'elle puisse se débattre, Evrard s'interposa et arracha la poigne du Duc. Furieux, Amaury tenta de le repousser, mais le Chevalier esquiva son geste et le chassa brutalement. Il bascula en arrière, et tomba sur le sol. Les gardes descendirent à la hâte de leurs montures, mais le noble leva une main autoritaire pour les arrêter, puis, d'une façon presque théâtrale, se redressa en chassant la poussière de ses vêtements.

 Les gardes descendirent à la hâte de leurs montures, mais le noble leva une main autoritaire pour les arrêter, puis, d'une façon presque théâtrale, se redressa en chassant la poussière de ses vêtements

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Nikkih & Kratzouille29

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