35. Evrard

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Le Chevalier observait Catriona avec l'impression qu'elle était sur son lit de mort. Son teint était grisâtre et cela faisait plus d'une heure qu'elle n'avait plus fait un geste ou émit le moindre son. Sa chute à cheval la faisait sans doute souffrir, mais elle serrait courageusement les dents. La seule bonne nouvelle, c'est qu'il n'y avait pas la moindre trace de sang sur ses vêtements. Evrard n'aurait pas supporté de devoir la soigner comme le médecin l'avait fait avec l'ouvrier tombé de son échafaudage.

Il fit le tour de leur campement de fortune afin de s'assurer qu'aucun danger ne les surprenne. S'il croisait à nouveau la route d'Amaury De Crozat, Evrard le taillerait en pièces. Ce n'était pas tant la crainte des soldats qui l'accompagnait que le respect qu'il éprouvait pour la jeune Noble qui l'avait retenu. Ce que le baronnet avait eu l'audace de faire à Catriona ne le faisait pas décolérer. C'était à cause de lui qu'elle s'était sauvée. Et dans sa détresse et sa témérité, elle avait causé une blessure à sa monture. Une blessure que même avec toute sa bonne volonté, Evrard n'aurait pas pu soigner.

Catriona était toujours immobile contre son arbre, le regard vide. Sachant qu'elle n'était pas en état de faire un pas devant l'autre, le Chevalier s'éloigna davantage pour chercher de quoi la soulager.

La forêt était calme. Seul le chant de quelques oiseaux et le bruissement des feuilles sous la brise résonnaient autour d'eux. Un lapin détala dans les fougères à son approche. Il s'immobilisa et s'imprégna de la sérénité des lieux. Ce bois lui rappelait ceux de son enfance, en Normandie. Son précepteur l'y emmenait régulièrement pour l'entraîner à la chasse, à différencier les baies comestibles des vénéneuses, pour construire des pièges, monter des abris pour la nuit et apprendre le nom des plantes qui soignaient ou qui tuaient. 

C'est de cet enseignement qu'Evrard se souvint de la consoude. Cette petite plante, aux fleurs blanches semblables à des clochettes et aux feuilles granuleuses, était très utile pour soulager ecchymoses, entorses et douleurs articulaires. S'il parvenait à en trouver, il en ferait un onguent que Catriona pourrait appliquer sur ses blessures.

C'est aux abords d'une clairière dégagée qu'il parvint à mettre la main sur la fleur. Le Chevalier en arracha plusieurs de terre. Dans ses souvenirs, les racines étaient ce qu'il y avait de plus efficace.

De retour au campement, il s'assit devant le feu et nettoya soigneusement la consoude. Après les avoir fait bouillir dans l'eau, il les broya à l'aide d'un galet plat dans son petit bol en bois. Lorsqu'il obtint une pâte de couleur marron, il se redressa et se dirigea vers Catriona, toujours aussi immobile. 

— Appliquez ceci sur votre blessure, préconisa-t-il en lui tendant l'onguent.

Seul son regard confus lui répondit. Evrard répéta son conseil, mais la jeune Noble n'eut aucune réaction. S'il n'avait pas remarqué ses pupilles bouger, il aurait pu croire qu'elle était morte.

Cela commençait à bien faire ! Ce n'était quand même pas ses retrouvailles avec son fiancé et la mort de sa monture qui la mettait dans cet état ! Catriona l'avait habitué à davantage de combativité.

— Cessez de vous comporter comme un mollusque, la rabroua-t-il, perdant patience. Si vous ne soignez pas, demain, la douleur sera atroce. Vous ne pourrez plus bouger, chacun de vos muscles vont crier grâce, les secousses du cheval vont vous donner l'impression d'être transpercée par un millier de couteaux et je n'ai pas l'intention de vous porter jusqu'à Edinbourg !

Sa tactique fonctionna. Une lueur de vie brilla dans ses yeux et elle fronça les sourcils.

— Vous avez tué Sauvage, murmura-t-elle, le ton lourd de reproches.

— J'y étais forcé.

— Non. Vous aviez le choix. Vous aviez la possibilité de le soigner. Vous deviez le soigner !

Bandit HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant