65. Evrard

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— Catriona, appela le Chevalier. S'il vous plaît, restez avec moi ! 

Il l'appelait ainsi inlassablement, dans l'espoir d'une réaction, d'un souffle, d'un sursaut de sa part. Mais entre ses bras, le corps de la jeune femme demeurait froid et engourdi, aussi inanimé qu'une poupée de chiffon. Sa tête retomba mollement en arrière et il sentit ses muscles se relâcher inexorablement, comme si la vie s'en échappait.

— Non, non, non ! supplia-t-il en lui tapotant la joue pour la ranimer. Ne me faites pas cela ! Ressaisissez-vous !

Saisi d'un nouvel élan de panique, il la recoucha sur les galets. D'une main, il maintint doucement la nuque de Catriona en arrière et de l'autre, pinça son nez. Il prit une grande inspiration, colla ses lèvres aux siennes et vida ses poumons dans sa gorge. Il répéta l'opération plusieurs fois de suite, sans relâche. Son corps agissait de lui-même, par instinct, sans réfléchir. Son cerveau lui dictait ce qu'il fallait faire et il s'exécutait sans se poser de questions.  

Après un temps qui lui parut interminable, le buste de Catriona sursauta et il s'écarta juste avant qu'elle ne recrache une longue gorgée d'eau. La jeune femme fut prise d'une violente crise de toux et Evrard poussa un soupir de soulagement ; elle était vivante ! Il n'osait plus y croire. Bien que toujours inerte, le Chevalier entendit un léger souffle s'échapper de ses lèvres. Sa poitrine se soulevait au rythme de ses minces battements de cœur.

Toutefois, son amie n'était pas encore tirée d'affaire. Toujours inconsciente, son corps était glacial, sa respiration irrégulière et difficile. S'il ne faisait rien, elle mourrait de froid avant le coucher du soleil. 

Le Chevalier la souleva de terre et la porta jusqu'au lieu du massacre. Les cadavres commençaient à répandre une odeur nauséabonde, mais il s'en moquait. Il s'occuperait des morts plus tard. Sa priorité était de faire en sorte que Catriona ne les rejoigne pas de sitôt. Il la reposa au pied d'un bosquet pour la protéger du vent et se précipita vers le carrosse. Il y trouverait bien quelques couvertures pour en envelopper la jeune femme. 

Lorsqu'il en découvrit deux, sèches et de belle facture, Evrard songea fugacement à remercier les nobles délicats qui ne supportaient pas de voyager dans le froid. Il étendit la première dans l'herbe et déposa Catriona dessus.

— Toutes mes excuses, marmonna-t-il, bien qu'elle soit incapable de l'entendre, et encore moins de lui répondre.

Mais il n'avait pas le choix. Il devait retirer ses vêtements trempés afin de lui éviter la mort. Il défit rapidement les lacets de son corsage qu'il envoya au loin, passa ses bras frêles hors des manches ainsi que le col par-dessus sa tête en pestant contre tous ces mètres de tissu qui pesaient sous le poids de l'eau et se collaient à la peau. Catriona ne portait plus que sa chemise, dont le blanc transparent épousait ses courbes et ne laissait plus de place à l'imagination. Mais à cet instant, Evrard n'avait jamais été aussi peu intéressé de la lorgner. Il retira le dernier vêtement en vitesse et sans la moindre pudeur avant de la draper dans la seconde couverture. 

— Catriona, est-ce que vous m'entendez ? demanda-t-il en la contemplant avec inquiétude.

Il n'obtint aucune réaction de sa part. Il posa une main sur son front brûlant qui contrastait durement avec la froidure de sa nuque. Poussant un juron et se remettant rapidement sur pieds, le Chevalier s'éloigna pour trouver de quoi faire un feu.

— Je te la confie, lança-t-il au cheval lorsqu'il passa en trombe devant lui.

Ce dernier se contenta de le regarder de ses grands yeux doux, les oreilles dressées en avant.

Au pieds des noisetiers, Evrard ramassa de nombreuses branches mortes et en fit un fagot. A son retour, l'étalon s'était approché de Catriona, comme s'il avait compris ses instructions. Certes, il était davantage occupé à brouter plutôt que de veiller sur elle, mais c'était quand même mieux que rien.

— Je te remercie, le gratifia-t-il en lui caressant distraitement le flanc.

Il rassembla les branches et débuta un feu. Lorsque les flammes augmentèrent d'intensité, il retira sa tunique et rapprocha délicatement le corps emmitouflé de Catriona pour qu'elle bénéficie de leur chaleur. Il s'enroula à son tour dans la couverture et colla son buste contre son corps nu pour la serrer contre lui. La jeune femme ne réagissait toujours pas à ses sollicitations. Cela le préoccupait, mais à chaque fois qu'il posait sa main sur sa poitrine pour vérifier qu'elle soit vivante, les battements de son cœur lui parvenaient faiblement.

Ses doigts frictionnèrent ses épaules et ses jambes inlassablement, si longtemps que ses articulations commençaient à être parcourues de crampes. Mais il s'interdisait de relâcher sa surveillance.

Ses efforts finirent par porter leurs fruits. Catriona remuait graduellement dans ses bras, reprenant peu à peu des couleurs. Sous ses paupières closes, ses yeux roulaient furtivement de gauche à droite, signe que la vie revenait lentement en elle. Ses cils papillonnèrent à plusieurs reprises avant de s'ouvrir légèrement.

— Evrard ?

Sa voix était rauque et faible, à peine plus puissante qu'un murmure.

— Je suis là. On peut dire que vous m'avez fait peur !

Le Chevalier se gifla mentalement pour son manque de tact. Mais il avait besoin d'évacuer toute la tension qu'il ressentait depuis qu'il avait découvert le carrosse et il ne savait comment l'exprimer autrement. 

— C'est un rêve...souffla-t-elle. Qu'est-ce que...vous deviez repartir en...France...

— J'ai dû changer mes projets à la dernière minute.

— Que faites-vous ici ?

— A part le fait de vous avoir repêché dans le fleuve ? Votre caractère infernal me manquait trop. Et je vous avais donné ma parole que je vous protégerai, non ?

Catriona voulu hocher la tête mais son corps était encore trop faible pour répondre.

— La lettre...

— Je l'ai sur moi. Mais nous nous en inquièterons plus tard, si vous le voulez bien. 

Elle poussa un profond soupir de soulagement et se rendormi, la tête appuyée contre son torse, une expression apaisée sur le visage. Le Chevalier la contempla quelques instants, écartant une mèche de cheveux humides de son visage.

Avec beaucoup de précaution, il la rallongea sur le sol, se leva et repartit vers les arbres pour récupérer quelques branchages. Catriona n'était pas en état de voyager et il allait avoir besoin de beaucoup de bois pour que le feu dure toute la nuit.

Kratzouille29 & Nikkih

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Bandit HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant