Evrard revint courbaturé des champs. Il avait passé l'après-midi à labourer, semer et arracher des mauvaises herbes. Blaise, qui ne lui faisait pas vraiment confiance, n'avait cessé de le surveiller et de lui donner des ordres. Mais en l'observant manier le râteau ou la houe, il fut forcé de reconnaître que son nouvel assistant n'avait pas besoin d'être chaperonné.
— Fatigué, mon garçon ? lui demanda-t-il sur le chemin de la ferme.
— Fourbu.
— Ça veut dire que tu as bien travaillé. Tu mérites ton pain de ce soir !
Blaise lui donna une tape dans le dos qui se voulait affectueuse, mais qui manqua de le faire hurler de douleur.
Dans le champ, et à plusieurs reprises, Evrard avait dû s'arrêter en plein geste. Ses blessures n'étaient pas encore guéries et le meurtrissaient dans ses mouvements. Se baisser ou se relever devenait alors une véritable séance de torture.
Sentant le regard du paysan sur lui, le Chevalier se redressa et poursuivit son chemin d'une démarche assurée.
— Tu n'es pas un fermier, constata Blaise après quelques instants de silence. Pourtant, tu sais travailler la terre. T'as l'air d'être le genre d'homme à avoir fait tous les métiers du monde, ajouta-t-il en détaillant sa stature.
— Je m'adapte vite, grommela Evrard.
— D'où viens-tu ?
— De loin.
Il comptait rester évasif et Blaise s'accommoda de la réponse. Il devait avoir l'habitude de ne pas poser trop de questions à ceux qu'il hébergeait. Les deux hommes déposèrent leurs outils dans la grange avant d'entrer dans la maison.
— Nous sommes de retour ! annonça le fermier d'une voix forte.
— Le repas est bientôt prêt, lui répondit son épouse.
Cette dernière s'agitait dans une minuscule cuisine et avait mis Catriona à contribution dans les préparatifs. En l'apercevant, Evrard s'immobilisa. C'était étrange de voir la jeune noble dans une robe aussi ingrate et évoluer dans un espace tout aussi misérable. Mais cela ne semblait pas la déranger outre mesure. Elle s'appliquait à suivre les consignes d'Anne du mieux qu'elle pouvait, bien qu'elle n'ait sûrement jamais rien cuisiné de sa vie.
Catriona semblait de meilleure humeur. Elle avait même l'air de s'amuser à participer ainsi aux tâches quotidiennes d'une famille de paysans. Après avoir consciencieusement ajouté des morceaux de carotte dans une soupe fumante, elle se tourna vers lui.
— Pas trop pénible, ce travail dans les champs ? lui lança-t-elle avec un sourire un peu moqueur.
Evrard ne répondit pas. Lentement, il s'approcha d'elle, bien plus près qu'à l'accoutumée. Catriona ne recula pas, mais de petites rougeurs apparurent sur ses joues. Sans geste brusque, il lui prit sa main bandée.
— Moins rude que pour vous, soupira-t-il. Qu'est-ce que vous vous êtes encore fait ?
— Je me suis coupé, avoua-t-elle.
— Pourquoi est-ce que cela ne me surprend pas ? Vous ne pouvez pas vous trouver des occupations moins dangereuses ?
— Je ne faisais rien de dangereux, j'épluchais des légumes ! protesta-t-elle en retirant brutalement sa main de la sienne.
Evrard secoua la tête et tourna les talons.
— Essayez de ne pas vous couper le bras, lui lança-t-il par-dessus son épaule.
— Allez plutôt vous laver, vous empestez !
— Contrairement à vous, j'ai travaillé.
— Vous croyez que je me suis tourné les pouces en vous attendant ?
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Bandit Heart
Historical FictionAlors que l'avenir de la jeune Catriona Loveday est tracé, celui d'Evrard le Gall, ancien Chevalier sans le sou, est plus qu'incertain. Mais dès l'instant où la noble se retrouve entre les griffes de deux brutes, Evrard n'hésite pas à la secourir, a...