Un flux de pensées noires assaillait incessamment son esprit, alors que ses doigts tâtonnaient sa plaie qui allait certainement lui marquer la peau à jamais.
Tandis que le martèlement des sabots du cheval résonnait sur le chemin de terre battue, Catriona se perdit au plus profond de son être. Sa propre mère avait voulu la tuer et Amaury n'était devenu qu'un pion sur son infâme échiquier. Elle avait ôté la vie d'un homme, de la même manière que Dieu en avait pour habitude. Son regard se posa sur ses doigts, et sur cette main, celle qui avait eu la force de planter ce couteau dans la gorge de Rodolphe. Pendant un instant, la jeune femme se remémora le visage du mercenaire qui, elle en était certaine, allait la hanter toute une vie.
La noble était lassée de la route, dépitée et anéantie. Sa tête divaguait ; c'était inique. Tous ces événements régnaient au travers d'une terrible injustice.
Les poches sous ses yeux marquaient la fatigue accumulée de ces derniers jours, son existence ne lui avait accordé aucun répit, la poignardant mentalement de la même manière que cette lame s'était enfoncée, tailladant à vif sa chair de porcelaine. Sans compter Gauthier et ses soldats...
Elle se frotta les yeux avec une étrange impression de déjà-vu. Elle sentait monter un sentiment qu'elle ne connaissait que trop bien ; la colère. Pourtant, sa naissance n'avait pas lieu d'exister, pas maintenant. Elle espérait qu'Evrard ne remarquerait pas son trouble, mais plus les secondes passaient et plus elle bouillonnait. Après tout, c'était entièrement de la faute de ce maudit Chevalier si elle avait été blessée et qu'ils arpentaient cette énième route sinueuse.
Catriona se sentait de plus en plus mal. Son corps se crispa, ses nerfs flanchèrent progressivement. Sa petite voix intérieure en était la cause, accablant son guide de tous ses maux et la faisant regretter de l'avoir fait sortir de sa geôle.
Soudain, il lui semblait étouffer. D'un bond, elle sauta de la selle.
— Catriona ?
Elle sursauta à l'entente de son prénom. Evrard tira sur les brides pour immobiliser la monture. Son expression irritée la faisait bouillonner davantage encore, comme s'il la prenait de haut.
— Que faites-vous ? demanda-t-il.
Bon sang, elle ne supportait même plus sa voix. Tout l'énervait en lui, de sa personnalité méthodique à son ton condescendant. Cela la rendait jalouse.
Elle en était absolument jalouse.
— C'est de votre faute tout ça !
Evrard eût un long soupir.
— A quoi vous vous attendiez ? Que le monde est beau, rempli d'arcs-en-ciel, que les gens sont bons, gentils ? Je suis désolé de vous l'apprendre, mais les leprechauns n'existent pas plus que les sorcières ou les bêtes féroces.
— Je... Je... Vous portez la poisse, voilà tout ! s'écria-t-elle en toute mauvaise foi, frappant le sol de sa botte.
Evrard soupira à nouveau en levant les yeux au ciel. Il se gratta la nuque et reporta son attention sur elle sans faire le moindre commentaire, comme s'il attendait qu'elle poursuive.
— Vous attirez les ennuis comme le fumier attire les mouches. Vous êtes maudit.
— Reprenez-vous, mordiable, je n'ai pas envie de gérer les caprices d'une enfant.
— Je ne suis plus une enfant ! Vous ne m'écoutez jamais. Cela fait des jours que je vous suis comme un petit chien sans que vous me demandiez mon avis.
— Normalement, un guide passe toujours en premier.
— Pour éviter les ennuis ? Voyez-vous, c'est pire.
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Bandit Heart
Historical FictionAlors que l'avenir de la jeune Catriona Loveday est tracé, celui d'Evrard le Gall, ancien Chevalier sans le sou, est plus qu'incertain. Mais dès l'instant où la noble se retrouve entre les griffes de deux brutes, Evrard n'hésite pas à la secourir, a...